wikipoemes
paul-verlaine

Paul Verlaine

alain-bosquet

Alain Bosquet

jules-laforgue

Jules Laforgue

jacques-prevert

Jacques Prévert

pierre-reverdy

Pierre Reverdy

max-jacob

Max Jacob

clement-marot

Clément Marot

aime-cesaire

Aimé Césaire

henri-michaux

Henri Michaux

victor-hugo

Victor Hugo

robert-desnos

Robert Desnos

blaise-cendrars

Blaise Cendrars

rene-char

René Char

charles-baudelaire

Charles Baudelaire

georges-mogin

Georges Mogin

andree-chedid

Andrée Chedid

guillaume-apollinaire

Guillaume Apollinaire

Louis Aragon

arthur-rimbaud

Arthur Rimbaud

francis-jammes

Francis Jammes


Devenir membre
 
 
auteurs essais
 

Stéphane Mallarmé



La nourrice - hérodiade - Poéme


Poéme / Poémes d'Stéphane Mallarmé







Tu vis ! ou vois-je ici l'ombre d'une princesse ? À mes lèvres tes doigts et leurs bagues et cesse
De marcher dans un âge ignoré...



Reculez.
Le blond torrent de mes cheveux immaculés
Quand il baigne mon corps solitaire le glace
D'horreur, et mes cheveux que la lumière enlace
Sont immortels. femme, un baiser me rûrait
Si la beauté n'était la mon...

Par quel attrait
Menée et quel matin oublié des prophètes
Verse, sur les lointains mourants, ses tristes fêtes,
Le sais-je ? tu m'as vue, ô nourrice d'hiver,
Sous la lourde prison de pierres et de fer
Où de mes vieux lions traînent les siècles fauves
Entrer, et je marchais, fatale, les mains sauves,
Dans le parfum désen de ces anciens rois :
Mais encore as-tu vu quels furent mes effrois ?
Je m'arrête rêvant aux exils, et j'effeuille,
Comme près d'un bassin dont le jet d'eau m'accueille,
Les pâles lys qui sont en moi, tandis qu'épris
De suivre du regard les languides débris
Descendre, à travers ma rêverie, en silence,
Les lions, de ma robe écartent l'indolence
Et regardent mes pieds qui calmeraient la mer.
Calme, toi, les frissons de ta sénile chair,
Viens et ma chevelure imitant les manières
Trop farouches qui font votre peur des crinières,
Aide-moi, puisqu'ainsi tu n'oses plus me voir,
A me peigner nonchalamment dans un miroir.



Sinon la myrrhe gaie en ses bouteilles closes,
De l'essence ravie aux vieillesses de roses



Voulez-vous, mon enfant, essayer la vertu
Funèbre ?



H.

Laisse là ces parfums ! ne sais-tu
Que je les hais, nourrice, et veux-tu que je sente
Leur ivresse noyer ma tête languissante ?
Je veux que mes cheveux qui ne sont pas des fleurs À répandre l'oubli des humaines douleurs,
Mais de l'or, à jamais vierge des aromates,
Dans leurs éclairs cruels et dans leurs pâleurs mates,
Observent la froideur stérile du métal,
Vous ayant reflétés, joyaux du mur natal,
Armes, vases depuis ma solitaire enfance.

N.

Pardon ! l'âge effaçait, reine, votre défense

De mon esprit pâli comme un vieux livre ou noir...

H.

Assez !
Tiens devant moi ce miroir.

O miroir !
Eau froide par l'ennui dans ton cadre gelée
Que de fois et pendant des heures, désolée
Des songes et cherchant mes souvenirs qui sont
Comme des feuilles sous ta glace au trou profond,
Je m'apparus en toi comme une ombre lointaine,
Mais, horreur ! des soirs, dans ta sévère fontaine,
J'ai de mon rêve épars connu la nudité !
Nourrice, suis-je belle ?



N.

Un astre, en vérité
Mais cette tresse tombe...

H.

Arrête dans ton crime
Qui refroidit mon sang vers sa source, et réprime
Ce geste, impiété fameuse : ah ! conte-moi
Quel sûr démon te jette en le sinistre émoi,
Ce baiser, ces parfums offerts et, le dirai-je ? Ô mon cour, cette main encore sacrilège,
Car tu voulais, je crois, me toucher, sont un jour
Qui ne finira pas sans malheur sur la tour... jour qu'Hérodiade avec effroi regarde !

N.

Temps bizarre, en effet, de quoi le ciel vous garde !
Vous errez, ombre seule et nouvelle fureur,
Et regardant en vous précoce avec terreur ;
Mais toujours adorable autant qu'une immortelle,
O mon enfant, et belle affreusement et telle
Que...

H.

Mais n'allais-tu pas me toucher ?

N.

..
J'aimerais
Etre à qui le destin réserve vos secrets.

H.
Oh ! tais-toi !

N.

Viendra-t-il parfois ?

H.

Étoiles pures,
N'entendez pas !

N.
Comment, sinon parmi d'obscures Épouvantes, songer plus implacable encor
Et comme suppliant le dieu que le trésor
De votre grâce attend ! et pour qui, dévorée
D'angoisses, gardez-vous la splendeur ignorée
Et le mystère vain de votre être ?

H.

Pour moi.

N.
Triste fleur qui croît seule et n'a pas d'autre émoi
Que son ombre dans l'eau vue avec atonie.

H.

Va, garde ta pitié comme ton ironie.

N.
Toutefois expliquez : oh ! non, naïve enfant,
Décroîtra, quelque jour, ce dédain triomphant.

H.

Mais qui me toucherait, des lions respectée ?
Du reste, je ne veux rien d'humain et, sculptée,
Si tu me vois les yeux perdus au paradis,
C'est quand je me souviens de ton lait bu jadis.



N.
Victime lamentable à son destin offerte !

H.

Oui, c'est pour moi, pour moi que je fleuris, déserte !

Vous le savez, jardins d'améthyste, enfouis

Sans fin dans de savants abîmes éblouis,

Ors ignorés, gardant votre antique lumière

Sous le sombre sommeil d'une terre première,

Vous, pierres où mes yeux comme de purs bijoux

Empruntent leur clarté mélodieuse, et vous

Métaux qui donnez à ma jeune chevelure

Une splendeur fatale et sa massive allure !

Quant à toi, femme née en des siècles malins

Pour la méchanceté des antres sibyllins,

Qui parles d'un mortel ! selon qui, des calices

De mes robes, arôme aux farouches délices,

Sortirait le frisson blanc de ma nudité,

Prophétise que si le tiède azur d'été,

Vers lui nativement la femme se dévoile,

Me voit dans ma pudeur grelottante d'étoile,

Je meurs !

J'aime l'horreur d'être vierge et je veux
Vivre parmi l'effroi que me font mes cheveux
Pour, le soir, retirée en ma couche, reptile
Inviolé sentir en la chair inutile
Le froid scintillement de ta pâle clarté
Toi qui te meurs, toi qui brûles de chasteté,
Nuit blanche de glaçons et de neige cruelle !
Et ta sour solitaire, ô ma sour éternelle
Mon rêve montera vers toi : telle déjà,
Rare limpidité d'un cour qui le songea,

Je me crois seule en ma monotone patrie

Et tout, autour de moi, vit dans l'idôlatrie

D'un miroir qui reflète en son calme dormant

Hérodiade au clair regard de diamant...

O charme dernier, oui ! je le sens, je suis seule.

N.
Madame, allez-vous donc mourir ?

H.

Non, pauvre aïeule,
Sois calme et, t'éloignant, pardonne à ce cour dur,
Mais avant, si tu veux, clos les volets, l'azur
Séraphique sourit dans les vitres profondes,
Et je déteste, moi, le bel azur !

Des ondes
Se bercent et, là-bas, sais-tu pas un pays
Où le sinistre ciel ait les regards haïs
De
Vénus qui, le soir, brûle dans le feuillage :
J'y partirais.

Allume encore, enfantillage
Dis-tu, ces flambeaux où la cire au feu léger
Pleure parmi l'or vain quelque pleur étranger
Et...

N.
Maintenant ?

H.

Adieu.

Vous mentez, ô fleur nue

De mes lèvres.

J'attends une chose inconnue
Ou peut-être, ignorant le mystère et vos cris,
Jetez-vous les sanglots suprêmes et meurtris
D'une enfance sentant parmi les rêveries
Se séparer enfin ses froides pierreries.

Contact - Membres - Conditions d'utilisation

© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.

Stéphane Mallarmé
(1842 - 1898)
 
  Stéphane Mallarmé - Portrait  
 
Portrait de Stéphane Mallarmé

Biographie / chronologie

1842
- Naissance à Paris le 18 mars.

Orientation bibliographique / Ouvres

Ouvres :
Deux éditions principales, disponibles en librairie : Poésies, Edition de 1899, complétée et rééditée en 1913, puis à plusieurs reprises par les éditions de la Nouvelle Revue française (Gallimard) ; préface de Jean-Paul Sartre pour l'édition dans la collection « Poésie/Gallimard ». Ouvres complètes (un volume), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Edition établie et présentée par

mobile-img