Stéphane Mallarmé |
Abolie, et son aile affreuse dans les larmes Du bassin, aboli, qui mire les alarmes, Des ors nus fustigeant l'espace cramoisi, Une Aurore a, plumage héraldique, choisi Notre tour cinéraire et sacrificatrice, Lourde tombe qu'a fuie un bel oiseau, caprice Solitaire d'aurore au vain plumage noir... Ah ! des pays déchus et tristes le manoir ! Pas de clapotement ! L'eau morne se résigne, Que ne visite plus la plume ni le cygne Inoubliable : l'eau reflète l'abandon De l'automne éteignant en elle son brandon : Du cygne quand parmi le pâle mausolée Ou la plume plongea la tête, désolée Par le diamant pur de quelque étoile, mais Antérieure, qui ne scintilla jamais. Crime ! bûcher ! aurore ancienne ! supplice ! Pourpre d'un ciel ! Étang de la pourpre complice ! Et sur les incarnats, grand ouvert, ce vitrail. La chambre singulière en un cadre, attirail De siècle belliqueux, orfèvrerie éteinte, A le neigeux jadis pour ancienne teinte, Et sa tapisserie, au lustre nacré, plis Inutiles avec les yeux ensevelis De sibylles offrant leur ongle vieil aux Mages. Une d'elles, avec un passé de ramages Sur ma robe blanchie en l'ivoire fermé Au ciel d'oiseaux parmi l'argent noir parsemé, Semble, de vols partir costumée et fantôme, Un arôme qui porte, ô roses ! un arôme, Loin du Ut vide qu'un cierge soufflé cachait, Un arôme d'ors froids rôdant sur le sachet, Une touffe de fleurs parjures à la lune (À la cire expirée encor s'effeuille l'une), De qui le long regret et les tiges de qui Trempent en un seul verre à l'éclat alangui. Une Aurore traînait ses ailes dans les larmes ! Ombre magicienne aux symboliques charmes ! Une voix, du passé longue évocation, Est-ce la mienne prête à l'incantation ? Encore dans les plis jaunes de la pensée Traînant, antique, ainsi qu'une étoile encensée Sur un confus amas d'ostensoirs refroidis, Par les trous anciens et par les plis roidis Percés selon le rythme et les dentelles pures Du suaire laissant par ses belles guipures Désespéré monter le vieil éclat voilé S'élève : (ô quel lointain en ces appels celé !) Le vieil éclat voilé du vermeil insolite, De la voix languissant, nulle, sans acolyte, Jettera-t-il son or par dernières splendeurs, Elle, encore, l'antienne aux versets demandeurs, À l'heure d'agonie et de luttes funèbres ! Et, force du silence et des noires ténèbres Tout rentre également en l'ancien passé, Fatidique, vaincu, monotone, lassé, Comme l'eau des bassins anciens se résigne. Elle a chanté, parfois incohérente, signe Lamentable ! le Ut aux pages de vélin, Tel, inutile et si claustral, n'est pas le lin ! Qui des rêves par pUs n'a plus le cher grimoire, Ni le dais sépulcral à la déserte moire, Le parfum des cheveux endormis. L'avait-il ? Froide enfant, de garder en son plaisir subtil Au matin grelottant de fleurs, ses promenades, Et quand le soir méchant a coupé les grenades ! Le croissant, oui le seul est au cadran de fer De l'horloge, pour poids suspendant Lucifer, Toujours blesse, toujours une nouveUe heurée, Par la clepsydre à la goutte obscure pleurée, Que, délaissée, elle erre, et sur son ombre pas Un ange accompagnant son indicible pas ! Il ne sait pas cela le roi qui salarie Depuis longtemps la gorge ancienne est tarie. Son père ne sait pas cela, ni le glacier Farouche reflétant de ses armes l'acier, Quand sur un tas gisant de cadavres sans coffre Odorant de résine, énigmatique, il offre Ses trompettes d'argent obscur aux vieux sapins ! Reviendra-t-il un jour des pays cisalpins ! Assez tôt ? Car tout est présage et mauvais rêve ! À l'ongle qui parmi le vitrage s'élève Selon le souvenir des trompettes, le vieux Ciel brûle, et change un doigt en un cierge envieux. Et bientôt sa rougeur de triste crépuscule Pénétrera du corps la cire qui recule ! De crépuscule, non, mais de rouge lever, Lever du jour dernier qui vient tout achever, Si triste se débat, que l'on ne sait plus l'heure La rougeur de ce temps prophétique qui pleure Sur l'enfant, exilée en son cour précieux Comme un cygne cachant en sa plume ses yeux, Comme les mit le vieux cygne en sa plume, allée De la plume détresse, en l'éternelle allée De ses espoirs, pour voir les diamants élus D'une étoile mourante, et qui ne brille plus. |
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Stéphane Mallarmé (1842 - 1898) |
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Portrait de Stéphane Mallarmé | |||||||||
Biographie / chronologie1842 - Naissance à Paris le 18 mars. Orientation bibliographique / OuvresOuvres : Deux éditions principales, disponibles en librairie : Poésies, Edition de 1899, complétée et rééditée en 1913, puis à plusieurs reprises par les éditions de la Nouvelle Revue française (Gallimard) ; préface de Jean-Paul Sartre pour l'édition dans la collection « Poésie/Gallimard ». Ouvres complètes (un volume), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Edition établie et présentée par |
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