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Stéphane Mallarmé

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LE POÈTE IMPRESSIONNISTE


Poésie / Poémes d'Stéphane Mallarmé





Quand Mallarmé fréquentait le salon de Victor Hugo, celui-ci l'appelait en pinçant son oreille faunesque «mon cher poète impressionniste», Hugo, qui accueillit à Bruxelles, en 1871, Verlaine absolument ignoré en lui récitant vingt vers des Poèmes saturniens, avait un tact très sûr pour juger et jauger des vers nouveaux. Mallarmé est un poète d'impressions neuves, aiguës, difficiles à formuler, discontinues.



D'une sensibilité très fine, un peu maladive, il manquait de cette riche santé avec laquelle Hugo disciplinait la sienne pour en exploiter fortement les filons inépuisables. Il en souffrait plus qu'il n'en jouissait. Il loue, disais-je, le style Louis XVI de lui fournir contre elle comme une sauvegarde. «Je suis le malade des bruits et m'étonne que presque tout le monde répugne aux odeurs mauvaises, moins au cri1.» L'employé vociférateur dont la clameur, aux portières d'un train, «faussa ce nom connu pour déployer la continuité de cimes tard évanouies, Fontainebleau2», s'attire une invective mentale qui n'est pas tout entière une fiction amusée. Lapidaire des mots, Mallarmé était blessé de les voir, en bouchons usuels, aux carafes. Pierres dans son jardin que bruits désagréables. Pour s'en purifier, il allait à ses vêpres dominicales, le concert, mieux peut-être comme à un Romain ses thermes que comme à un chrétien ses vêpres. Sous le ruissellement de musique il s'y lavait des poussières quotidiennes, et une rêverie légère, comme l'huile sur les membres, y assouplissait sa pensée.



Presque tous ses poèmes expriment, disposent ou mieux juxtaposent, des images, à l'origine desquelles sont des sensations nues. Mallarmé n'est pas d'abord un hermétiste qui enferme, de propos délibéré, sous une forme rare, des symboles profonds. Il y a chez lui, comme chez Verlaine ou Rimbaud, une sensibilité d'enfant, originale, un jour lavé de création. Mais une main, un mur, entre elle et le papier s'interposent : c'est le scrupule de l'artiste, effet et cause à la fois de sa stérilité. Et ce scrupule est double, contradictoire aussi. Il faut que la page restitue une fraîcheur vive, un ordre naturel de sensations; mais il faut aussi qu'un art subtil intervienne pour disposer, pour rendre plus nue encore cette fraîcheur, plus essentiel cet ordre, pour retrouver par delà, en visée platonicienne, une Idée de la fraîcheur, une Idée de l'ordre spontané. De sorte qu'il y a à la racine de l'ouvre comme un propter vivendi causas perdere vitam.

L'Après-Midi d'un Faune, la Prose pour des Esseintes, en offriraient bien des exemples. Voyez les premiers vers de l'Après-Midi.



Ces nymphes je les veux perpétuer.

Si clair

Leur incarnat léger qu'il voltige dans l'air

Assoupi de sommeils touffus.



Une vapeur de chair rose, la fleur la plus ténue, le pollen de la jeunesse et de la fraîcheur qui flotte sur les moiteurs d un sous-bois d'été, voilà l'impression délicate que réalise le poète. Si malgré tout elle ne nous paraît pas immédiate, si elle prend un aspect un peu transposé et contourné, c'est précisément que le poète l'a souhaitée trop immédiate, qu'il a voulu la réduire à son essence, en éliminer tout terme de développement.

Par les assemblages de mots les plus inquiétants de Mal-armé, se traduit quelque impression momentanée, très ténue, qui s est imposée à lui, et qu'à son tour il essaye de nous imposer, trop ingénument confiant dans la ductilité de notre imagination. Ainsi celles qu'il y a lieu de suivre du Toast Funèbre dans la Prose, celles du Tombeau de Baudelaire, la plume de la toque dans Un Coup de Dés. Voici un exemple pris à un faux sonnet, une de ces gageures qui scandalisèrent.



Quelconque une solitude

Sans le cygne ni le quai...



Mais langoureusement longe

Comme de blanc linge ôté Tel fugace oiseau si plonge

Exultatrice à côté.



Dans l'onde toi devenue

Ta jubilation nue.



(Ces huit vers formant une image qui peut se détacher, je laisse les six autres.)

Succession de mots incohérents, dira-t-on. Vous avez donc du temps à perdre ? - Pourquoi pas ? En tout cas voici sans doute ce qu'a voulu faire Mallarmé. Une baigneuse nue, à la campagne, lui rend l'impression de lignes qu'en telle ville (Bruges peut-être ou quelque coin de PariS) lui donnèrent, le long de l'eau, un quai fusant de pierre et la gracilité d'un cygne. Et les six derniers vers ont pour objet de faire recomposer au lecteur, en une sorte, à la fois, d'Idée de la blancheur et d'impression de blancheur, ces trois groupes confondus de lignes, métaphores chacun à chacun, du quai, du cygne, de la baigneuse.

Pour cela, des mots juxtaposés, sans syntaxe presque. (La phrase est : Mais tel fugace oiseau langoureusement longe, si ta jubilation nue, dans l'onde devenue toi, plonge exultatricE )



Mais langoureusement longe pose avec son allitération l'ampleur de la grande courbe reflétée, la geste long et fluide de la nageuse, - puis le cygne garde, comme le linge même qu'elle vient d'ôter, les formes de la femme, - le cygne et la femme fondus dans l'image au point qu'Exultatrice (un grand mot incurvé qui fait jaillir des gerbes d'eaU) se rapporte au cygne, - la nageuse aux membres polis, aux mouvements liquides, devenue l'eau même, - jubilation nue, identique à l'impression nue que le poète a essayé de saisir toute vive.

Que tel soit le but, et que le résultat vienne un peu grêle, cela nous éclaire sur le monde d'impossibilités où sa passion de poésie pure menait Mallarmé. Songez aux dessins de Léonard... Comme, à côté du crayon mouvant, sont faibles les efforts d'une poésie qui s'effile et s'exténue pour dépasser sa limite !

Un artiste écarte de ses sensations, quand il s'agit de les exprimer, à la fois ce qui est trop individuel et ce qui est trop banal. Il prend un entre-deux, penchant vers l'un ou vers l'autre selon son tempérament et son talent, et dans l'un ou l'autre sens ondoient bien des détours, jusqu'aux limites qui sont l'inintelligible d'une part, le cliché de l'autre. L'impressionnisme de Mallarmé est une rupture d'équilibre, une fuite vers l'expression 4e l'individuel. Rupture et fuite parce qu'il lui manque, à un degré paradoxal, ce qui d'ordinaire forme ici un contrepoids, le don oratoire.

Tout ce qui sert d'intermédiaire, de chaînon entre les sensations, le genre commun qui les unit, cette clarté, cet ordre, cette logique du discours qui les fondent dans la pâte oratoire, tout cela fait défaut à Mallarmé, et de ce défaut s'élancent ensemble la nouveauté et la nudité de son art : des visions ramenées vers leur essence et vers leur cour, comme



Pour ouïr sans la chair pleurer le diamant.



Dans l'Après-Midi et le Toast Funèbre, les deux pièces qui offriraient le mieux l'apparence extérieure d'un « développement», toujours prévaut cette juxtaposition d'images, de une à l'autre desquelles on passe sans transition, le fil du poème se faisant de l'arabesque seule que décrit leur apparition successive. Il en est ainsi encore de la prose oraculaire du poète. Joignons-y la contre-épreuve : l'impressionnisme pur fait tellement chez Mallarmé un fond à sa nature et une limite à son expression, que le développement oratoire n'apparaît que lorsqu'il s'agit pour lui de broder délicieusement des riens, de parler pour dire peu de chose, mais joliment, de s'essayer par jeu à cette chronique où il eût pu devenir maître. La signification de sa prose est en raison directe de sa densité. La Dernière Mode, ses conférences, alignent des pages de causerie où des balances en toile d'araignée pèsent des gouttes de rosée. Ce qui ne valait pas la peine d'être tu aux trois quarts, il le disait.



Il serait très inexact d'admettre une influence quelconque des peintres dits impressionnistes sur la poésie de Mallarmé, comme d'ailleurs, en général, d'une peinture sur une poésie. Pourtant ce terme d'impressionnisme qui, dans l'un et dans l'autre cas, paraît si vague, est peut-être, au contraire, fort justement choisi pour désigner ce qu'il y a de parallèle entre un moment de la poésie et un moment de la peinture.

Impressionnisme et symbolisme ont réagi - excessivement - contre des conventions analogues, contre ce que j'appellerais, d'un terme très général, le donné, contre la manière classique de placer, dans l'ouvre même, l'ordre, la construction, la composition, contre un plan oratoire qui se confond d'ailleurs, s'il est assoupli et vivant, avec une condition éternelle de l'art. Ils ont voulu éveiller l'action de l'oil ou de l'esprit, leur faire créer ou construire, au lieu de leur donner quelque chose de créé et de construit.

C'est de façon un peu arbitraire que l'on peut rattacher à l'impressionnisme la peinture originale de Manet. Mais lorsqu'il juxtapose ses couleurs avec la franchise d'une mosaïque (j'ai été frappé, au musée de Naples, de retrouver dans la Bataille d'Arbèles la construction même de l'OlympiA) et qu'il élimine la fluidité intermédiaire, tout le liant des demi-tons, n'évoque-t-il pas la répugnance de Mallarmé à l'atmosphère oratoire ? Le procédé, poussé à son excès logique par le néo-impressionnisme, qui consiste à juxtaposer sur la toile des couleurs pures afin qu'elles se composent dans l'oil du spectateur, au lieu de puiser, sur la palette même, le mélange, procédé dont l'origine chez nous date d'ailleurs du romantisme même et de certaine imitation, vers 1825, par Delacroix, du peintre anglais Constable, c'est celui même que chez Mallarmé nous retrouverons, rattaché aussi au romantisme, quand nous étudierons sa poésie comme puissance de suggestion.

Ainsi chez les peintres et chez le poète, la solidarité est la même entre les deux sens du mot impressionnisme : impression immédiate notée de frais, impression active à provoquer chez le public, au lieu d'une expression évoquée toute faite.



Que les critiques tout classiques voient ici le terme dernier, la théorie pure, en poésie comme en peinture, de l'anarchie romantique, c'est leur droit: comprendre Mallarmé de cette façon, c'est voir en effet une face, la face sèche et rogue, de la vérité.








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Stéphane Mallarmé
(1842 - 1898)
 
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Biographie / chronologie

1842
- Naissance à Paris le 18 mars.

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Ouvres :
Deux éditions principales, disponibles en librairie : Poésies, Edition de 1899, complétée et rééditée en 1913, puis à plusieurs reprises par les éditions de la Nouvelle Revue française (Gallimard) ; préface de Jean-Paul Sartre pour l'édition dans la collection « Poésie/Gallimard ». Ouvres complètes (un volume), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Edition établie et présentée par

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