Stéphane Mallarmé |
L'«Avant-Dire» que Mallarmé donne au Traité du verbe de René Ghil formule, en quelques paragraphes d'une densité remarquable, presque aphoristique, l'essentiel de la poétique mallarméenne, en même temps qu 'il fournit à la nouvelle génération littéraire les notions clés d'une « doctrine » symboliste du langage poétique. On remarquera toutefois que l'Idée mallarméenne (la « notion pure »), au lieu de relever d'un idéalisme métaphysique comme c 'est le cas chez la plupart des symbolistes, est fonction d'un matérialisme du langage; et l'on notera que la capacité de suggestion des vocables, loin d'être donnée a priori, comme c 'est le cas chez René Ghil, se déploie seulement dans la structure du vers, où les «mots s'éveillent de reflets réciproques » comme il est dit dans Crise de vers. Le texte reproduit ici sera repris à la fin de Crise de vers en 1896. Un désir indéniable à mon temps est de séparer comme en vue d'attributions différentes le double état de la parole, brut ou immédiat ici, là essentiel. Narrer, enseigner, même décrire, cela va et encore qu'à chacun suffirait peut-être pour échanger la pensée humaine, de prendre ou de mettre dans la main d'autrui en silence une pièce de monnaie, l'emploi élémentaire du discours dessert l'universel reportage dont, la littérature exceptée, participe tout entre les genres d'écrits contemporains. A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole, cependant ; si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'un proche ou concret rappel, la notion pure. Je dis : une fleur! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets. Au contraire d'une fonction de numéraire facile et représentatif, comme le traite d'abord la foule, le dire, avant tout, rêve et chant, retrouve chez le Poëte, par nécessité constitutive d'un art consacré aux fictions, sa virtualité. Le vers qui de plusieurs vocables refait un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire, achève cet isolement de la parole : niant, d'un trait souverain, le hasard demeuré aux termes malgré l'artifice de leur retrempe alternée en le sens et la sonorité, et vous cause cette surprise de n'avoir ouï jamais tel fragment ordinaire d'élocution, en même temps que la réminiscence de l'objet nommé baigne dans une neuve atmosphère. |
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Stéphane Mallarmé (1842 - 1898) |
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Portrait de Stéphane Mallarmé | |||||||||
Biographie / chronologie1842 - Naissance à Paris le 18 mars. Orientation bibliographique / OuvresOuvres : Deux éditions principales, disponibles en librairie : Poésies, Edition de 1899, complétée et rééditée en 1913, puis à plusieurs reprises par les éditions de la Nouvelle Revue française (Gallimard) ; préface de Jean-Paul Sartre pour l'édition dans la collection « Poésie/Gallimard ». Ouvres complètes (un volume), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Edition établie et présentée par |
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