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Stéphane Mallarmé



Sa fosse est creusée !... - Chanson


Chanson / Poémes d'Stéphane Mallarmé





Il sera dit,
Seigneur, qu'avec les épis d'or
Elle aura vu tomber son front, où l'auréole
Qui

d'ans en ans pâlit étincelait encor !
Qu'avant le soir la main a fermé sa corolle !



Il sera dit qu'un jour, jaloux de sa beauté,
Tu lanças sur son toit l'archange à l'aile noire !
Que tu brisas sa coupe avant qu'elle y pût boire !
Qu'elle avait dix-sept ans, qu'elle a l'éternité !



Il sera dit, - malheur ! - que, fleuri sous ta serre
Son berceau, frêle espoir, fut son cercueil un jour,
Sans avoir vu dans l'ombre errer un nom d'amour !
Il sera dit qu'honni tu gardes ton tonnerre !



Non ! - la rose qui naît sur une tresse blonde
Au bal, quand le cour rêve, et l'horizon est beau,
Ne doit point se faner demain sur un tombeau !
Que ta rosée, au ciel, et non des pleurs, l'inonde !



Non ! - mon
Harriet sourit lorsque les chants ailés
Que le soir à son cour murmure avec la brise
Soufflent :
Amour... espoir... et mille mots voilés !
Non ! - sa joue est de flamme et son sein s'aërise !



Son regard d'une étoile a pris une étincelle,
Qui brille, astre d'un soir, sur un orbe d'azur
Dont la fatigue seule, en la rasant de l'aile,
A, jusqu'à l'autre aurore, entouré son oil pur !



Mère, dors ! l'oil mouillé ne compte pas les heures... -
Parce que ton enfant fait courber ton genou
Qu'un céleste reflet luit à ton front, tu pleures... -
Qui sait ? un ange peut s'égarer parmi nous.



Il peut... mais, ô
Seigneur, pourquoi moi qui console
Sens-je sous ma paupière une larme glisser ?
N'ornes-tu tant son front qu'afin qu'elle s'envole ?
Dépouille-t-elle ici ce qu'elle y doit laisser ?



Ton lys prend l'or du ciel avant que tu le cueilles !
Oui, le corps jour par jour voit fuir en son été
Ce qu'il a de mortel, comme un arbre ses feuilles !
L'on devient un enfant pour l'immortalité !



Chaque chant de l'horloge est un adieu funèbre ! Ô
Deuil ! un jour viendra que ce sera son glas !
Heure par heure, glisse un pas dans les ténèbres :
C'est le pied de la mort, qui ne recule pas !



Lorsque son oil rêveur voit, dans l'azur qu'il dore,
S'élever le soleil derrière un mont neigeux,
Son cour bat : elle est morne, et crie en pleurs aux cieux
Hier, hier, hier, rendez-moi son aurore.



Hier ! - hier ! il est bien loin !
Le temps a soufflé dans sa voile...
Non ! hier à ce jour n'est joint
Que par la chute d'une étoile !
Hier ! spectre que nous priions
A genoux, - et dont nous riions !
Astre qui dans la nuit immense
S'éteint, sombre de souvenir,
Lui, qui brillait tant d'espérance ! -
Hier ne peut plus revenir !

Hier, la fleur pâlie !... hier, le rocher sombre

Qui, géant, se dressait, et qu'a rongé le flot !

Hier, un soleil mort ! une gloire dans l'ombre !

Hier !... qui fut ma vie, et qui n'est plus qu'un mot !...



Oh ! mal traître et cruel !... la vierge se fait ange

Pour éblouir nos yeux, avant d'aller à
Dieu !

Nous voulons l'admirer, - l'aimer !... - une aile étrange

Sous nos baisers blanchit - puis un jour dit adieu !

Sa mère en son linceul voudra dormir comme elle

- «
Sa mère !... elle n'en a, tombée un jour du ciel ! »

-
Mais une femme enfin lui prêta sa mamelle,
La berça de longs soirs, la bénit à
Noël !

Mais ses sours, chaque jour, la voient quitter la terre !
Ses trois sours que sa tête, - ainsi qu'un épi d'or
Règne sur la moisson, - domine à la prière ! «
Sa sour est l'ange, au ciel elle prend son essor. »



Mais ses frères naissants ne voyant plus dans l'ombre
Au dortoir enfantin briller sa blanche lueur,
Demanderont le soir à leur père, front sombre,
Dans les pleurs seuls riants : «
Où donc est notre sour ? »

Et les pauvres diront : «
Voici l'hiver qui glace !... »
Sous la brise les fleurs chanteront «
Dies
Irse »
Jour de colère... eh ! non ! pour
Dieu sans pleurs il passe ! -
Et moi, je maudirai !

Dieu ! ton plaisir jaloux est de briser les cours !
Tu bats de tes autans le flot où tu te mires !
Oh, pour faire,
Seigneur, un seul de tes sourires
Combien faut-il donc de nos pleurs !



Juin .

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Stéphane Mallarmé
(1842 - 1898)
 
  Stéphane Mallarmé - Portrait  
 
Portrait de Stéphane Mallarmé

Biographie / chronologie

1842
- Naissance à Paris le 18 mars.

Orientation bibliographique / Ouvres

Ouvres :
Deux éditions principales, disponibles en librairie : Poésies, Edition de 1899, complétée et rééditée en 1913, puis à plusieurs reprises par les éditions de la Nouvelle Revue française (Gallimard) ; préface de Jean-Paul Sartre pour l'édition dans la collection « Poésie/Gallimard ». Ouvres complètes (un volume), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Edition établie et présentée par

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