Sully Prudhomme |
Enfant sur la terre on se traîne, Les yeux et l'âme émerveillés, Mais, plus tard, on regarde à peine Cette terre qu'on foule aux pieds. Je sens déjà que je l'oublie, Et, parfois, songeur au front las, Je m'en repens et me rallie Aux enfants qui vivent plus bas. Détachés du sein de la mère, De leurs petits pieds incertains Ils vont reconnaître la terre Et pressent tout de leurs deux mains ; Ils ont de graves tête-à-tête Avec le chien de la maison ; Ils voient courir la moindre bête Dans les profondeurs du gazon ; Ils écoutent l'herbe qui pousse, Eux seuls respirent son parfum ; Ils contemplent les brins de mousse Et les grains de sable un par un ; Par tous les calices baisée, Leur bouche est au niveau des fleurs, Et c'est souvent de la rosée Qu'on essuie en séchant leurs pleurs. J'ai vu la terre aussi me tendre Ses bras, ses lèvres, autrefois ! Depuis que je la veux comprendre, Plus jamais je ne l'aperçois. Elle a pour moi plus de mystère, Désormais, que de nouveauté ; J'y sens mon coeur plus solitaire, Quand j'y rencontre la beauté ; Et, quand je daigne par caprice Avec les enfants me baisser, J'importune cette nourrice Qui ne veut plus me caresser. |
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Sully Prudhomme (1839 - 1907) |
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Portrait de Sully Prudhomme | |||||||||