Théophile de Viau |
L'aurore sur le front du jour Sème l'azur, l'or et l'ivoire, Et le soleil, lassé de boire, Commence son oblique tour. Ses chevaux, au sortir de l'onde, De flamme et de clarté couverts, La bouche et les naseaux ouverts, Ronflent la lumière du monde. La lune fuit devant nos yeux; La nuit a retiré ses voiles; Peu à peu le front des étoiles S'unit à la couleur des cicux. Déjà la diligente avette Boit la marjolaine et le thym, Et revient riche du butin Qu'elle a pris sur le mont Hymettc... Je vois les agneaux bondissants Sur ces blés qui ne font que naître; Cloris, chantant, les mène paître, Parmi ces coteaux verdissants. Les oiseaux, d'un joyeux ramage, En chantant semblent adorer La lumière qui vient dorer Leur cabinet et leur plumage. La charrue écorche la plaine; Le bouvier, qui suit les sillons, Presse de voix et d'aiguillons Le couple de boufs qui l'entraîne. Alix apprête son fuseau; Sa mère, qui lui fait la tâche, Presse le chanvre qu'elle attache A sa quenouille de roseau. Une confuse violence Trouble le calme de la nuit, Et la lumière, avec le bruit, Dissipe l'ombre et le silence. Alidor cherche à son réveil L'ombre d'Iris qu'il a baisée, Et pleure en son âme abusée La fuite d'un si doux sommeil. Les bêtes sont dans leur tanière, Qui tremblent de voir le soleil. L'homme, remis par le sommeil, Reprend son ouvre coutumière.... Cette chandelle semble morte, Le jour la fait évanouir; Le soleil vient nous éblouir : Vois qu'il passe au travers la porte! Il est jour : levons-nous, Philis ; Allons à notre jardinage, Voir s'il est, comme ton visage, Semé de roses et de lys. |
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Théophile de Viau (1590 - 1626) |
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Portrait de Théophile de Viau | |||||||||