Théophile Gautier |
Personne ne voulait aller dans cette chambre, Surtout pendant les nuits si tristes de décembre, Quand la bise gémit et pousse des sanglots, Et que du ciel obscur tombe la pluie à flots. Car c'était une chambre antique, inhabitée, A minuit, disait-on, de revenants hantée, Une chambre où les ais du parquet désuni S'agitent sous vos pieds, où le plafond jauni Se partage et s'écroule, où la tapisserie A personnages tremble et sur la boiserie Ondule à plis poudreux au moindre ébranlement. On en avait ôté les meubles ; seulement, Entre de vieux portraits, un crucifix d'ivoire, Avec du buis bénit, sur une étoffe noire, Pendait du mur : au bas", en guise de support, On avait mis jadis une tête de mort ; Et me ressouvenant des fables qu'on débite, Enfant, je croyais voir au fond de cet orbite, Que l'oil n'anime plus, de blafardes lueurs ; Et, quand il me fallait passer là, des sueurs M'inondaient, tour à tour brûlantes et glacées : J'aurais fait le serment que les dents déchaussées De cet épouvantail en ricanant grinçaient, et que confusément des mots s'en élançaient. A présent, jeune encor, mais certain que notre âme, Inexplicable essence, insaisissable flamme, Une fois exhalée, en nous tout est néant, Et que rien ne ressort de l'abîme béant Où vont, tristes jouets du temps, nos destinées, Comme au cours des ruisseaux les feuilles entraînées, Sans peur je la regarde, et je dis : « Quelques ans, Que sais-je ! quelques mois, un espace de temps" Beaucoup plus court, demain, après-demain peut-être, Les yeux de mes amis ne pourront me connaître, Tête de mort livide à mon tour. - Celle-ci Est celle d'une femme autrefois morte ici, Dont voilà le portrait qui, dans son cadre, semble Vous regarder, sourire et remuer ; l'ensemble De ses traits ingénus, de fraîcheur éclatants, Montre qu'elle touchait à peine à son printemps. Pourtant elle mourut ; bien des larmes coulèrent Sans doute à son convoi, bien des fleurs s'effeuillèrent Sur sa tombe, tributs de pieuses douleurs Sans doute. - Mais le temps sait arrêter les pleurs, Et, des premiers chagrins l'amertume passée, Bientôt l'on oublia la belle trépassée. - Belle, qui le dirait ? où sont ces cheveux blonds Qui roulent vers son col si soyeux et si longs, Cette joue aux contours ondoyants, aussi fraîche Qu'au beau soleil d'été le duvet d'une pêche, Ces lèvres de corail au sourire enfantin. Ce front charmant à voir, cette peau de satin Où comme un fil d'azur transparaît chaque veine, Ces yeux bleus que l'amour, passion creuse et vaine, N'a jamais fait pleurer ? - Un crâne blanc et nu, Deux trous noirs et profonds où l'oil fut contenu, Une face sans nez, informe et grimaçante, Du sort qui nous attend image menaçante : Voilà ce qu'il en reste, avec un souvenir Qui s'éteindra bientôt dans le vaste avenir. » |
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Théophile Gautier (1811 - 1872) |
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Portrait de Théophile Gautier | |||||||||
BiographieThéophile Gautier fait ses études aux lycées Louis-le-Grand et Charlemagne. Il se lie avec Gérard de Nerval, qui l'introduit dans les milieux littéraires. Optant pour la poésie, Gautier fonde le 'Petit Cénacle' en 1830 et publie son premier recueil de Poésies. En 1833, un recueil de contes 'Les Jeune-France' et la préface de son premier roman 'Mademoiselle de Maupin' (1835) dénoncent avec esprit e Orientation bibliographiqueDiverses notices me font naître à Tarbes, le 31 août 1808. Cela n'a rien d'important, mais la vérité est que je suis venu au monde où je devais faire tant de copie, le 31 août 1811... - Ses ascendants proviennent de tous les coins de France. Pierre-Julcs-Théophile aura deux sours cadettes qui ne le lâcheront plus jusqu'à sa mon. Son père étant nommé chef de bureau aux octrois de Paris en 1814, les |
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