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Vincent Voiture



Sur une dame - Poéme


Poéme / Poémes d'Vincent Voiture





Phylis, je suis dessous vos lois,
Et sans remède à cette fois
Mon âme est votre prisonnière,
Mais sans justice et sans raison
Vous m'avez pris par le derrière :
N'est-ce pas une trahison ?

Je m'étais gardé de vos yeux ;
Et ce visage gracieux
Qui peut faire pâlir le nôtre
Contre moi n'ayant point d'appas.
Vous m'en avez fait voir un autre
De quoi je ne me gardais pas.

D'abord, il se fit mon vainqueur,
Ses attraits percèrent mon cour,
Ma liberté se vit ravie ;
Et le méchant, en cet état,
S'était caché toute sa vie
Pour faire cet assassinat.



Il est vrai que je fus surpris ;
Le feu passa dans mes esprits,
Et mon cour, autrefois superbe,
Humble se rendit à l'amour,
Quand il vit votre cul sur l'herbe
Faire honte aux rayons du jour.

Le soleil, confus dans les deux,
En le voyant si radieux,
Pensa retourner en arrière,
Son feu ne servant plus de rien ;
Mais, ayant vu votre derrière,
Il n'osa pas montrer le sien.

En découvrant tant de beautés
Les
Sylvains furent enchantés ;
Et
Zéphire voyant encore
D'autres appâts que vous avez,
Même en la présence de
Flore,
Vous baisa ce que vous savez.

La rose, la reine des fleurs,
Perdit ses plus vives couleurs ;
De crainte l'oillet devint blême,
Et
Narcisse, alors convaincu
Oublia l'amour de soi-même
Pour se mirer en votre cul.

Aussi rien n'est si précieux :
Et la clarté de vos beaux yeux,
Votre teint qui jamais ne change,
Et le reste de vos appas
Ne méritent point de louange,
Qu'alors qu'il ne se montre pas.

On m'a dit qu'il a des défauts
Qui me causeront mille maux :



Car il est farouche à merveilles ;
Il est dur comme un diamant ;
Il est sans yeux et sans oreilles,
Et ne parle que rarement.

Mais je l'aime, et veux que mes vers
Par tous les coins de l'univers
En fassent vivre la mémoire,



Et je ne veux penser désormais
Qu'à chanter dignement la gloire
Du plus beau cul qui fut jamais.
Phylis, cachez bien ces appas
Les mortels ne dureraient pas
Si ces beautés étaient sans voiles.
Les dieux qui régnent dessus nous,
Assis là-haut sur les étoiles,
Ont un moins beau siège que vous.

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Vincent Voiture
(1598 - 1648)
 
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