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Yves Untel PASTEL

JE ME SOUVIENS DE MON ÎLE ! - Poéme Divers



Poémes Divers de Yves Untel PASTEL





Je me souviens de mon île !
Et mon front se couvre d'une ombre soudaine.
Et pourquoi m'en souviens-je
Envahi de cette si vive nostalgie ?
Est-elle engloutie sous les abysses
D'un temps à jamais aboli ?
Quelle malédiction la ronge-t-elle ?

Je me souviens de ma terre quand elle était si belle
Juvénile aux bras des rivières vives et poissonneuses
Couvertes en son faîte volcanique de fougères arborescentes
Je me souviens d'elle en ses ravines fraîches, peuplées de bambous
Des bouquets de colibris volages s'accouplaient aux oiseaux de paradis
Des rouges-gorges camouflés dans les sous-bois convoquaient la pluie

Je me souviens aux cours de la verdure
Du triomphe écarlate des flamboyants téméraires
Et puis culminant à hauteur des nuages
Les fromagers gigantesques et leurs ballets de pipiris
Plus loin, plus distant tournoyaient les malfinis
Et aussi les chauves-souris alertes,
Acolytes des esprits noctambules.

Je me souviens de nos horizons pourpres
Ces crépuscules incandescents irradiant l'océan
Où bondissaient virtuoses les poissons d'argent
Je me souviens de la lente reptation sur la mer nacrée
Des canots rentrant de longues journées de labeur
Des pécheurs accostant nonchalamment leurs embarcations
Et de la foule des âmes qui accouraient et prêtaient mains fortes
Et les poissons qui changeaient de mains
Et des paroles de remerciement que la nuit recueillait.

Mon île était encore une terre juvénile où la vie palpitait téméraire.
Une simple graine jetée germait et se muait en arbre élégant
Se chargeait de fruits abondants sous les rosées d'hivernage
Pas un flanc de morne où ne s'accrochaient les jardins créoles
Défiant les abrupts récalcitrants

Je me souviens de ces nègres coiffés de leur chapeau bakoua
Caressant amoureusement la glaise rétive
Comme on palpe le ventre d'une belle génisse prête à vêler
Et ces femmes penchées à ras de colline les reins ceints d'un foulard
Et le soleil qui leur faisait une auréole de sueur aux aisselles
Et leurs cris jetés au vent à nous autres enfants égayés dans la campagne.

Je me souviens d'un pays vivant où rien n'interdisait aux enfants
De plonger dans l'eau saine des rivières si bonnes,
De profiter des fruits à profusion suivant la course des saisons
Des mangues de diverses variétés, des goyaves, des icaques,
Des pommes d'eau, des abricots, des tamarins, des "kennettes",
Des sapotilles, des papayes, des caïmites, des pommes cannelles,
Prunes mombins, des prunes chenilles, des prunes d'Espagne
Des corossols, des caramboles et mêmes des mangés coulis,
Toutes ces choses livrées à la gourmandise de nos bouches insatiables.
Je me souviens de nos ventres rebondis,
De nos poitrines maculées de sirop
Je me souviens de nous, repus, heureux
Nous reposant au bord des rivières
Sur un rocher aplati sous l'ombrage des roseaux géants.

Je me souviens du temps où nos cases étaient en bois épousant le paysage
Se fondant dans l'écosystème, s'éclipsant avec le temps sous la verdure vivace
Je me souviens du temps désormais révolu
Où nous pouvions prendre ces offrandes de la nature
Sans craindre de nous faire tort.

Aujourd'hui nos terres sont souillées de CHLORDECONE
Et la mort lente nous guette partout, dans le moindre filet d'eau.
Je me souviens de mon île encore généreusement vivante.
C'était Jadis !
Alors, quand je reviens de ce pays lointain
Et que de tout cela je ne retrouve rien
Je sens mon cour partir en lambeau
Et mon âme s'effilocher avec mes derniers souvenirs.
C'est cela l'exil, cette indicible et irréparable nostalgie.

Yves UNTEL PASTEL

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Yves Untel PASTEL

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