Rendez-les-moi, mes enfants, pays cannibale !
Mes jours esseulés languissent et blanchissent dans l'attente
Pas une seule de nos cases qui ne pleure un départ vers l'exil
Un fils, une fille, une fiancée, un bien aimé !
Le vent les emporte comme rêve au devant jour.
Rendez-les-moi, mes enfants, pays cannibale
Ce sont vos ruses mensongères, vos rumeurs d'abondance
Qui leur volent la raison !
C'est vrai qu'ici la faim tenaille
Que la vigueur juvénile tourne en rond
Au milieu de la poussière désouvrée !
Rendez-les-moi, mes enfants, pays cannibale
Les vieillards prennent seuls la mer
Et défient les mornes avec des bâtons de vieillesse !
Les moulins à farines manquent de bras
Et le manioc pourrit dans la terre.
Rendez-les-moi, mes enfants, pays cannibale
Me contenterais-je d'une carte postale
Revêtue d'un arc de triomphe ou d'une tour Eiffel ?
Me satisferais-je d'un appel de nuit qui m'épouvante
Et me fait craindre le pire ?
Rendez-les-moi, mes enfants, pays cannibale
Assez de réveillon ou des chaises restent vides
Assez d'anniversaire où pèse l'absence
Assez de baisers perdus, de tendresse rancie. Assez !
Qui me fermera les yeux si la mort me surprend ?
Rendez-les-moi vite mes enfants, pays cannibale
Rendez-les-moi tant qu'ils sont vifs et vigoureux
Rendez-les-moi mes enfants exilés.
ah, je sais que la roue de la marée de l'histoire tourne avec le temps
Je sais que le vent fait tourner l'horloge du destin sur la route des exilés.
Viendra ce jour où mes enfants ne me tourneront plus les talons
Pour emprunter des chemins d'illusion.
Viendra le jour où ma jeunesse fougueuse
Saisira à pleine main l'audace de planter son jardin
Viendra le temps où nous serons tous matelots
Sur la chaloupe de notre île navire
Viendra le temps où chaque coup de rame sera donné
Pour gagner notre propre course de gommier
Viendra le temps où nous jetterons nos filets
Dans les eaux chaudes de notre mer des Caraïbes
Viendra le temps où nos gens partiront en éclaireurs
Pour apprendre les sciences du monde mais.
Pour mieux revenir, oui, pour mieux revenir !
Viendra Ce temps où l'exil
Cessera de piéger nos forces vives !
Assurément ce jour viendra !
Mais il ne viendra pas tout seul si nos manches ne sont pas retroussées
Il ne viendra pas tout seul si personne ne prononce les paroles prophétiques
Il ne viendra pas tout seul si personne ne prend la tête du convoi
Si personne ne mélange sa sueur à l'huile de la lampe de l'espoir
Si personne ne brise le maléfice qui noue notre ombilic
Si on ne fait pas taire ceux qui profèrent des mensonges
Et qui poussent la chair de ma chair à la mer
Oui parce que je suis femme, parce que je suis mère
Il faut bien que je prenne la tête du convoi
La vie en ce pays infernal est une lutte sans merci
Me voici dans la ronde du ladja de vie et de mort
Et gare au téméraire qui essuya ma colère
Et gare au major dont le coup de pied n'atteindra que l'air
Je serai là à la parade et mon assaut sera victorieux.
Je donnerai la charge la poitrine nue
Et les reins ceints d'une lanière de mahogany
Et aucun homme ne contemplera d'émoi dans mes yeux
Combattant prenez garde
Car c'est pour mes fils et pour mes filles que je combats
C'est pour peuple, c'est pour ma nation
Car aussi vraie que la vie est la vie
Tout mère mérite de contempler le bonheur
Dans les yeux de sa progéniture !
Eïa ! Konbatan, Pengad mové kou
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