Aimé Césaire |
Quand les Nègres font la Révolution ils commencent par arracher du Champ de Mars des arbres géants qu'ils lancent à la face du ciel comme des aboiements et qui couchent dans le plus chaud de l'air de purs courants d'oiseaux frais où ils tirent à blanc. Us tirent à blanc ? Oui ma foi parce que le blanc est la juste force controversée du noir qu'ils portent dans le cour et qui ne cesse de conspirer dans les petits hexagones trop bien faits de leurs pores. Les coups de feu blancs plantent alors dans le ciel des belles de nuit qui ne sont pas sans rapport avec les cornettes des sours de Saint-Joseph de Cluny qu'elles lessivent sous les espèces de midi dans la jubilation solaire du savon tropical. Midi ? Oui, Midi qui disperse dans le ciel la ouate trop complaisante qui capitonne mes paroles et où mes cris se prennent. Midi ? Oui Midi amande de la nuit et langue entre mes crocs de poivre. Midi ? Oui Midi qui porte sur son dos de galeux et de vitrier toute la sensibilité qui compte de la haine et des ruines. Midi? pardieu Midi qui après s'être recueilli sur mes lèvres le temps d'un blasphème et aux limites cathédrales de l'oisiveté met sur toutes les lignes de toutes les mains les trains que la repen-tance gardait en réserve dans les coffres-forts du temps sévère. Midi? Oui Midi somptueux qui de ce monde m'absente. Doux Seigneur ! durement je crache. Au visage des affameurs, au visage des insulteurs, au visage des paraschites et des éven- treurs. Seigneur dur! doux je siffle ; je siffle doux Doux comme l'hièble doux comme le verre de catastrophe doux comme la houppelande faite de plumes d'oiseau que la vengeance vêt après le crime doux comme le salut des petites vagues surprises en jupes dans les chambres du mancenillier doux comme un fleuve de mandibules et la paupière du perroquet doux comme une pluie de cendre emperlée de petits feux. Oh ! je tiens mon pacte debout dans mes blessures où mon sang bat contre les fûts du naufrage des cadavres de chiens crevés d'où fusent des colibris, c'est le jour, un jour pour nos pieds fraternels un jour pour nos mains sans rancunes un jour pour nos souffles sans méfiance un jour pour nos faces sans vergogne et les Nègres vont cherchant dans la poussière - à leur oreille à pleins poumons les pierres précieuses chantant -les échardes dont on fait le mica dont on fait les lunes et l'ardoise lamelleuse dont les sorciers font l'intime férocité des étoiles. |
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Aimé Césaire (1913 - 2008) |
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Portrait de Aimé Césaire | |||||||||
BiographieAimé Césaire est né à Basse Pointe en Martinique le 26 juin 1913. Son père était instituteur et sa mère couturière. Ils étaient 6 frères et soeurs.Son père disait de lui quand Aimé parle, la grammaire française sourit... OuvresPoésie FilmographieOuvres d'aimé césaire |
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