Aimé Césaire |
Quand viendra le soir du monde que les réverbères seront de grandes filles immobiles un noud jaune aux cheveux et le doigt sur la bouche quand la lumière dans la vitre coupera sa natte et fera frire ses oufs dans une goutte de sang prise à la neige des blessés que le vin lourd de midi lancera du grain aux étoiles de minuit il y aura dans mon âme les légères corbeilles du brouillard qui seront sommées de verser des bennes de lumière la solitude ouvrira de minuscules fenêtres sur la belle amitié radiophonique des nombres et dans la reconversion du calendrier dans le feu de joie de la planche à journées le jour sera si pur qu'on y verra les jours corbeau doux serviteur comme moi rauque et voluptueux butin de l'air épais et de l'espace bavard il y aura une pompe d'auto décapitée sur le billot du temps à faire les loups des ris d'enfants d'une récréation qu'on ne voit pas faisant penser aux chaperons faisant penser aux dévorés faisant penser aux prophètes que les hommes chassaient de leurs songes à coups de pierre grise corbeau ton jour arrive sans but sur des pattes d'emprunt comme un nègre domestique porteur de lait agile corbeau le dernier pendu tourne son oil légal dans le chaste zéro du repentir et de l'absurde corbeau suave chant de mandragore comme moi vénéneux et tranquille il y a encore à desceller les pierres bleues du château et la géométrie sans peine du mensonge corbeau de ta noire signature honore la page blanche échappée à la morte-saison des étreintes pucelles corbeau tête forte debout derrière la trappe de ton cri quand l'inventaire scrupuleux des mots de tous les jours commencera car il sera temps de penser à des témoins moins velus que les astres -sur quels sabots s'est enfuie ta présence ? dira surgi de la patience du trottoir et de la flamme du ruisseau mon ange gardien ses doigts terrestres près d'un bassin feuillu semant en vain des mots à goût de pain et de piège je ne répondrai rien mais je le conduirai selon la méridienne à l'épiphanie chaste d'une rosace de sang d'une gerbe de lumière du grand effort brun d'une forge où se tord la poussée noire du geste baignée de sable blanc alors de celle qui réveille à leur vocation de boa constric-tor les routes étrangleuses du paysage qu'elles étaient chargées d'allaiter à celle qui fait que les paons sacrés de ma vie incorruptible roucoulent de remémoration les boufs rouges ramèneront la journée au tombeau où par écume une chaleur de Champagne pétillante de bourgeons et d'atolls ouvrira des paumes lasses dans l'air il y aura ouvriers du beau temps des ocelles et des cerfs de cristal de grandes paroles vierges des alligators pieux dont nos oiseaux très sages cureront les dents sommeil noueur de racines j'arrose tes guérets capte la voix qui fait que les termites bâtissent haut dans mon crâne leur pyramide funèbre tendue d'un vol de pigeons multicolores or toi oiseau frappé de la fronde des mirages cognant ta tête au plafond du soleil et des astres et des rêves et du néant d'île en île eau claire que tu dédaignes ô toi prisonnière de ta cire que vantent les parchemins tu tomberas froisseuse d'étoiles broyeuse d'herbes grand corps |
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Aimé Césaire (1913 - 2008) |
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Portrait de Aimé Césaire | |||||||||
BiographieAimé Césaire est né à Basse Pointe en Martinique le 26 juin 1913. Son père était instituteur et sa mère couturière. Ils étaient 6 frères et soeurs.Son père disait de lui quand Aimé parle, la grammaire française sourit... OuvresPoésie FilmographieOuvres d'aimé césaire |
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