Aimé Césaire |
L'âge d'homme L'année 1936 marque en France comme aux Antilles un tournant dans la vie politique et sociale, mais elle marque aussi un tournant dans l'histoire personnelle d'Aimé Césaire. A ce moment-là éclate la crise psychologique et morale que Léopold Sedar Scnghor évoque : « Je connais telle ouvre, qui fut moralement, physiquement et métaphysiquement vécue jusqu'au bord de la démence. Le médecin ordonna : repos complet pendant un an34. » C'est bien entendu au Cahier d'un retour au pays natal, première création poétique d'Aimé Césaire, que Senghor fait ici allusion. Douloureuse, cette crise n'en sera pas moins féconde. C'est une crise initiatique. Crise de vocation mais dans le même temps crise d'identification. Le sentiment tragique de l'être-au-monde atteint son paroxysme. Etre de nationalité française, natif d'outremer et de race noire, c'est être noué dans l'angoisse et la souffrance, c'est ne pas toujours savoir que faire de tout ce qui vous arrive. L'étudiant traverse une zone de turbulence. Il ne sait pas encore que cette zone des tempêtes est celle de la création. De la chrysalide s'envolera bientôt le papillon. Le jeune Aimé Césaire sortira victorieux de l'épreuve, adoubé, ayant trouvé lui-même, en lui-même, les moyens de sa propre guérison : il est poète. Dénoué, il est enfin prêt. Et c'est alors que survient la femme. Elle avait nom Suzanne. Le 10 juillet 1937, il l'épouse, à la mairie du XIIIe arrondissement. Il a vingt-quatre ans. Il en est à sa deuxième année d'études à l'École normale supérieure. Jeanne Aimée Marie Suzanne Roussi est âgée de vingt-deux ans Mais qui est-elle, Suzanne ? Elle est née à la Martinique, en 1915, au lieu dit Desmarinières, dans la commune de Rivière-Salée. A n'en pas douter Suzanne est une femme hors du commun. Belle, séduisante, intelligente et instruite, énergique, elle rayonne. Autant de qualités, d'atouts, qu'elle tient de sa mère Aimée Flore Roussi et de sa grand-mère Edamine, surnommée « Ti-Piment ». Suzanne est en effet au point d'aboutissement de cette lignée de fortes femmes qui, débordantes de vie, ont eu vocation au bonheur. Edamine, la grand-mère maternelle, avait vécu au temps de l'esclavage. Liée au Béké de la plantation, affranchie avant la promulgation du décret abolitionniste de 1848, elle avait reçu de son maître une parcelle de terre. Flore, la mère, était institutrice. Elle a su transmettre à sa fille le goût des études. Élève du pensionnat colonial, Suzanne a pour camarade de classe en terminale Mireille, sour d'Aimé Césaire. Bachelière, à la session de juin 1933, elle part pour Paris où elle commence ses études supérieures. Elle habite rue des Carmes, dans un pensionnat. Ayant obtenu son baccalauréat à la session d'octobre 1933, Mireille arrive à son tour à Paris. Elle est accueillie à la gare par Aristide Maugée, un ami qu'Aimé Césaire, empêché par ses obligations universitaires, avait délégué. Trois ans plus tard, en 1937, Aristide épousera Mireille. Le lendemain de l'arrivée de Mireille à Paris, Aimé lui rend visite. Mireille avait été hébergée par Suzanne, rue des Carmes. Ce jour-là, Aimé voit Suzanne pour la première fois. Il est ébloui. Elle « a la couleur de l'or et se situe aux confins les plus extrêmes de la finesse et de la sauvagerie ; on a plaisir à être devant elle, comme devant un merveilleux paysage qui serait intelligent35 », dira leur ami de toujours, Michel Leiris. Suzanne quitte bientôt Paris pour Toulouse où elle fait des études de lettres modernes. Revenue à Paris, elle épouse Aimé. En 1938, celui-ci prépare l'agrégation mais dans des conditions psychologiques et matérielles difficiles. Le climat politique et social français s'est assombri. Les menaces de guerre se précisent. Jeune marié, il est déjà père d'un premier enfant de sexe masculin, Jacques, né à Paris le 9 mai 1938. «Je préparais l'agrégation avec la plus grande négligence. Puis je m'étais mis à faire de la poésie. Le résultat : je n'étais plus adapté au travail universitaire. Je me rappelle : mon agrégé répétiteur me disait à propos d'une dissertation que c'était un poème. Je me désadaptais. J'ai coulé à l'agrégation. » Ayant échoué au concours, il n'aura pas l'opportunité de s'y présenter une seconde fois. D'autres préoccupations l'accaparent. « Je me suis marié, j'avais mon enfant, la vie était difficile pour nous. J'ai été collé à l'agrégation. J'ai essayé de prendre un poste pour gagner ma vie, puis j'ai décidé de ne pas recommencer l'agrégation quand je l'avais fort peu préparée puisque je la considérais à ce moment-là comme chose secondaire et puis je suis rentré à la Martinique-'6. » Quand vient le printemps se précise la montée des périls. Il faut quitter la France, s'apprêter à regagner les Antilles. La révolution espagnole est matée. Franco, Hider et Mussolini, sûrs de leurs forces, veulent vaincre. La Seconde Guerre mondiale est proche. Le 23 août 1939 est signé le pacte germano-soviétique. Au cours des derniers mois, Aimé Césaire se consacre entièrement à la création littéraire, impatient d'achever la rédaction d'un manuscrit ébauché en 1935, le Cahier d'un retour au pays natal. Ainsi s'achève une première période de gestation. La première version du Cahier d'un retour au pays natal est terminée. Par l'entremise de l'un de ses professeurs de la rue d'Ulm, Pierre Petitbon, Césaire, qui s'était heurté au refus de plusieurs éditeurs parisiens, obtient l'accord du directeur de la revue Volontés, Georges Pellorson, en vue de la publication de son manuscrit. Entre-temps paraît, au mois de juin 1939, le premier numéro d'une autre revue, Charpentes, contenant la traduction d'un poème de Sterling Brown par Césaire, un poème de Senghor intitulé « Neige sur Paris », un conte de Léon-Gontran Damas, ainsi que des chroniques haïtiennes dues à Cari Brouard, Lorimer Denis et François Duvalier. Au cours de ce même mois de juin 1939, Damas, qui avait déjà publié en 1938 Retour de Guyane et, antérieurement, en 1937, Pigments (préface de Robert DesnoS), fait paraître dans la revue Esprit un article intitulé « Misère noire ». Senghor, pour sa part, venait de publier, parallèlement dans un volume coordonné par Daniel Rops un essai intitulé « Ce que l'homme noir apporte ». L'année précédente, en 1938, le Sénégalais avait publié deux poèmes, « Méditerranée » et « Nuit de Sine », dans les Cahiers du Sud. Ainsi, quand s'achève le séjour parisien d'Aimé Césaire, s'ouvre donc pour la génération montante des écrivains africains, haïtiens et antillo-guyanais une période d'effervescence. Au mois d'août 1939, la revue Volontés publie enfin, de la page 23 à la page 51, le Cahier d'un retour au pays natal. Quelques jours après, le 29 ou le 30 août 1939, Aimé Césaire quitte la France. Il embarque à destination de la Martinique. Le voyage, à bord du Bretagne », dure deux semaines. Le 3 et le 4 septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne déclarent successivement la guerre à l'Allemagne. Aimé Césaire débarque à Fort-de-France, le 15 ou 16 septembre, accompagné de sa femme et de son fils, Jacques. A son retour en France, le Bretagne est torpillé et coulé par les Allemands. |
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Aimé Césaire (1913 - 2008) |
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Portrait de Aimé Césaire | |||||||||
BiographieAimé Césaire est né à Basse Pointe en Martinique le 26 juin 1913. Son père était instituteur et sa mère couturière. Ils étaient 6 frères et soeurs.Son père disait de lui quand Aimé parle, la grammaire française sourit... OuvresPoésie FilmographieOuvres d'Aimé Césaire |
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