Aimé Césaire |
Et voici par mon ouïe tramée de crissements et de fusées syncoper des laideurs rêches les cent pur-sang hennissant du soleil parmi la stagnation. Ah ! je sens l'enfer des délices et par les brumes nidoreuses imitant de floches chevelures - respirations touffues de vieillards imberbes - la tiédeur mille fois féroce de la folie hurlante et de la mort. Mais comment, comment ne pas bénir, telle que ne l'ont point rêvée mes logiques, dure, à contre-fil lézardant leur pouacre ramas et leur saburre, et plus pathétique que la fleur fructifiante, la gerce lucide des déraisons. Et j'entends l'eau qui monte, la nouvelle, l'intouchée, l'éternelle, vers l'air renouvelé. Ai-je dit l'air? Une flueur de cadmium, avec, géantes élevures expalmées de céruse, de blanches mèches de tourmente. Essentiel paysage. Taillés à même la lumière, de fulgurants nopals des aurores poussantes, d'inouïs blanchoiements, d'enracinées stalagmites porteuses de jour O ardentes lactescences prés hyalins neigeuses glanes Vers les rivières de néroli docile des haies incorruptibles mûrissent de mica lointain leur longue incandescence. La paupière des brisants se referme - Prélude - audiblement des youcas tintent dans une lavande d'arcs-en-ciel tièdes des huettes picorent des mordorures. Qui rifle et rafle le vacarme, par-delà le cour brouillé de ce troisième jour? Qui se perd et se déchire et se noie dans les ondes rougies du Siloé ? Rafale. Les lumières flanchent. Les bruits rhizulent la rhizule fume silence. Le ciel bâille d'absence noire et voici passer vagabondage sans nom vers les sûres nécropoles du couchant les soleils, les pluies, les galaxies fondus en fraternel magma et la terre, oubliée la morgue des orages, qui dans son roulis ourle des déchirures perdue, patiente, debout durcifiant sauvagement l'invisible falun, s'éteignit et la mer fait à la terre un collier de silence, la mer humant la paix sacrificielle où s'enchevêtrent nos râles, immobile avec d'étranges perles et de muets mûrissements d'abysse, la terre fait à la mer un bombement de silence dans le silence et voici la terre seule, sans tremblement et sans trémulement sans fouaillement de racine et sans perforation d'insecte vide vide comme au jour d'avant le jour... - Grâce ! grâce ! Qu'est-ce qui crie grâce ? Poings avortés, amassements taciturnes, jeûnes hurrah pour le départ lyrique brûlantes métamorphoses dispenses foudroyantes feu, ôfeu5 éclair des neiges absolues cavalerie de steppe chimique retiré de mer à la marée d'ibis le sémaphore anéanti sonne aux amygdales du cocotier et vingt mille baleines soufflant à travers l'éventail liquide un lamantin nubile mâche la braise des orients La terre ne joue plus avec les blés. La terre ne fait plus l'amour avec le soleil La terre ne réchauffe plus des eaux dans le creux de sa main. La terre ne se frotte plus la joue avec des touffes d'étoiles. Sous l'oil du néant suppurant une nuit la terre saquée doucement dérive éternellement La grisaille suinte à mes yeux, alourdit mes jarrets, paresse affreusement le long de mes bras. Moi à moi Fumée fumée de la terre Entendez-vous parmi le vétiver le cri fort de la sueur. Je n'ai point assassiné mon ange. C'est sûr. à l'heure des faillites frauduleuses, nourri d'enfants occultes et de rêves de terre il y a notre oiseau de clarinette, luciole crépue au front fragile des éléphants et les amazones du roi de Dahomey de leur pelle restaurent le paysage déchu des gratte-ciel de verre déteint, de voies privées, de dieux pluvieux, voirie et hoirie de roses brouillées - des mains du soleil cru des nuits lactées. Mais Dieu ? comment ai-je pu oublier Dieu ? je veux dire la Liberté ô Chimborazo violent prendre aux cheveux la tête du soleil 36 flûtes n'insensibiliseront point les mains d'arbre à pain de mon désir de pont de cheveux sur l'abîme de bras de pluies de sciure de nuit de chèvres aux yeux de mousse remontant les abîmes sans rampe de sang bien frais de voilures au fond du volcan des lentes termitières mais moi homme ! rien qu'homme ! Ah ! ne plus voir avec les yeux. N'être plus une oreille à entendre ! N'être plus la brouette à évacuer le décor ! N'être plus une machine à déménager les sensations ! Je veux le seul, le pur trésor, celui qui fait largesse des autres.7 Homme ! Mais ce début me fait moins qu'homme ! Quelle torpeur ! ma tête stupidement ballotte. Ma tête rongée est déglutie par mon corps. Mon oil coule à pic dans la chose non plus regardée mais regardante.8 Homme ! Et voici l'assourdissement violet au'officie ma mémoire terrestre. mon désir frappe aux états simples ie rêve d'un bec étourdi d'hibiscus et de vierges sentences violettes s'alourdissant aux lézards avaleurs de soleil l'heure bat comme un remords la neige d'un soleil aux caroncules crève la patte levée le monde... Ça y est. Atteint. Comme frappe la mort brutale. Elle ne fauche pas. Elle n'éclate pas. Elle frappe silencieusement au ras du sang, au ras du cour, comme un ressentissement, comme un retour de sang. Floc Médullairement C'est bon Je veux un soleil plus brillant et de plus pures étoiles Je m'ébroue en une mouvance d'images de souvenirs néritiques de possibles en suspension, de tendances-larves, d'obscurs devenirs ; les habitudes font à la vase liquide de traînantes algues - mauvaisement, des fleurs éclatent. Floc On enfonce, on enfonce comme dans une musique. Radiolaires. Nous dérivons à travers votre sacrifice d'un dodelinement de vague, je saute ancestral aux branches de ma végétation. Je m'égare aux complications fructueuses. Je nage aux vaisseaux Je plonge aux écluses. Où, où, où vrombissent les fienteuses du désespoir ? Non. Toujours ici torrentueuses cascadent les paroles. Silence Silence par-delà les rampes « sanguinolentes par cette grisaille et cette calcination inouïe. Enfin, lui, ce vent des méplats, bonheur, le silence mon cerveau meurt dans une illumination avec de fumantes aigrettes d'or fauve un bourrelet tiédi de circonvolution par un ricanement de palmes strié fond une titillation duvetée nage nage nage brindilles forêt lac aérienne une biche Oh un vide d'incendie Tortures Où où où vrombissent les hyènes fienteuses du désespoir? Renversé sur ma lassitude, à travers la gaze, des bouffées tièdes irradient mon inexistence fluide une saveur meurt à ma lèvre une flèche file je ne sais pas. Frisson. Tout le vécu pétarade avec des reprises. Les bruits se donnent la main et s'embrassent par-dessus moi. J'attends. Je n'attends plus. Délire. Néant de jour Néant de nuit une attirance douce à la chair même des choses éclabousse. Jour nocturne nuit diurne qu'exsude la Plénitude Ah Le dernier des derniers soleils tombe. Où se couchera-t-il sinon en Moi ? A mesure que se mourait toute chose, Je me suis, je me suis élargi - comme le monde - et ma conscience plus large que la mer ! Dernier soleil. J'éclate. Je suis le feu, je suis la mer. Le monde se défait. Mais je suis le monde La fin, la fin disions-nous. Quelle sottise. Une paix proliférante d'obscures puissances. Branchies opacules palmes syrinx pennes. Il me pousse invisibles et instants par tout le corps, secrètement exigés, des sens, et nous voici pris dans le sacré tourbillonnant ruissellement primordial au recommencement de tout. La sérénité découpe l'attente en prodigieux cactus. Tout le possible sous la main. Rien d'exclu. et je pousse, moi, l'Homme stéatopyge assis en mes yeux des reflets de marais, de honte, d'acquiescement -pas un pli d'air ne bougeant aux échancrures de ses membres - sur les épines séculaires je pousse, comme une plante sans remords et sans gauchissement vers les heures dénouées du jour pur et sûr comme une plante sans crucifiement vers les heures dénouées du soir La fin ! " Mes pieds vont le vermineux cheminement plante mes membres ligneux conduisent d'étranges sèves plante plante12 et je dis et ma parole est paix et je dis et ma parole est terre et je dis et la Joie éclate dans le soleil nouveau et je dis : par de savantes herbes le temps glisse les branches picoraient une paix de flammes vertes et la terre respira sous la gaze des brumes et la terre s'étira. Il y eut un craquement à ses épaules nouées. Il y eut dans ses veines un pétillement de feu. Son sommeil pelait comme un goyavier d'août sur de vierges îles assoiffées de lumière et la terre accroupie dans ses cheveux d'eau vive au fond de ses yeux attendit les étoiles. « dors, ma cruauté », pensai-je l'oreille collée au sol, j'entendis passer Demain |
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Aimé Césaire (1913 - 2008) |
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Portrait de Aimé Césaire | |||||||||
BiographieAimé Césaire est né à Basse Pointe en Martinique le 26 juin 1913. Son père était instituteur et sa mère couturière. Ils étaient 6 frères et soeurs.Son père disait de lui quand Aimé parle, la grammaire française sourit... OuvresPoésie FilmographieOuvres d'aimé césaire |
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