Alain Bosquet |
Accepte les réalités. Les capitales N'émigrent plus. Tes orangers peuvent dormir Au chaud, dans la cuisine; et tes bibles s'installent Comme des pies sur l'étagère. L'avenir N'est qu'un ballon : tu veux qu'il explose. Ta rue Fait le tour de ton cou. Ton plus jeune horizon Se vautre dans le cidre. Ô falaise ventrue, Désertée par la mer... abrite-la ! Raison ? Déraison qui serait ce navire en bouteille ? Ton poème est trop mûr, goyave de l'oubli ; Et l'horloge arrêtée sans cesse te conseille D'être un autre que toi. Ta maison se remplit D'un azur malhonnête. Au voisin qui s'attable En rangeant sa béquille, au fleuve retraité Que rien n'amuse plus, ni le feu, ni l'érable. Ni l'averse, tu dis : « J'ai des infirmités En velours mauve et des malheurs de porcelaine. » Tu restes seul. Tu te sous-loues à qui te plaît; Tu lui tends ce poumon : c'est la cage malsaine Où pleure un scarabée ; parfois c'est le palais D'un poème inconnu. Tu achètes des pommes Pour en être jaloux. Tu détruis le manoir Pour te rendre coupable, à quels yeux ? Tu consommes Quelques images, goûter froid. Pour mieux surseoir À la capture de toi-même, tu t'enivres Comme tu veux de cent destins improvisés. Tu te crois visionnaire et tribun. Chaque livre Te coûte un crâne. As-tu fini de te briser Sur tes propres parois ? Tu reviens à la banque, Celle du sang, pour emprunter à ton ami, Le vent célibataire, une oasis qui manque À ta chair compliquée. Tu ne t'es pas remis De tes sursauts. Combien choisis-tu de seringues Pour ce muscle amolli ? Tu crains d'être banal Comme un pois chiche. Ô philtre, univers trop [bilingue ! Grâce à lui cette chaise est un jeune cheval. Mamelle de licorne ou colombe confite ! Es-tu monstre ou bourgeois ? Pas même ce bossu... Tes sarcasmes, tu veux qu'ils deviennent les mythes D'une impuissance ailée. Déjà, tu as reçu Ta cocaïne. Il faut qu'à tout prix tu t'achèves. Comme un jambon tu pends. Ton poème est drogué : Reconnais que ton verbe a gaspillé ta sève. Tu mimes le suicide : il en sera plus gai Sous les fleurs du langage. Ô nuits mal accordées À ton propre fantôme ! Où vas-tu, racoleur D'événements perdus ? Vengeance des idées. Tu trembles sous ton lit, personnage mineur. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Alain Bosquet (1919 - 1998) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Alain Bosquet | |||||||||
La chronologie1919 March 28th: the birth in Odessa, Russia of Anatole BISK (occasionally BISQUE), son of Alexandre and Berthe Turiansky. His paternal ancestors, originally from Alsace and Belgium, established themselves in the Ukraine in the middle of the nineteenth century to work in railroad construction there. His father was a manufacturer, but also a poet. It was he who first translated Rainer Maria Rilke i Ouvres d'alain bosquetPoésie AperÇu biographique |
|||||||||