Alain Bosquet |
Je méritais, j'en suis sûr, la potence. Je séjournais souvent dans les prisons. Le cour des femmes, cela pense sans qu'intervienne la raison. J'étais un gigolo plein de tendresse, main de batiste et regard souteneur. Les dieux du lit, même s'ils laissent dans la mémoire une rancour, ne sont-ils pas plus éternels, Mesdames, que vos maris de plomb ? La guerre est là, tigresse ou pieuvre ; on me réclame pour la couvrir de falbalas, de jeux dans les tranchées. Pauvres dentelles ! Mourir? Je me montrais indifférent. Tuer, souffrir ? Ma clientèle se recrutait parmi les rangs. Quand on est agent double, un capitaine ne se distingue pas d'un vieux mégot. Toute agonie est une aubaine : la trahison nous fait égaux. Dans le conflit, je n'étais responsable que de mon corps : jugez si c'est beaucoup! La paix venue, j'avais mes fables et mes putains autour du cou. J'en épousais plusieurs, malgré mes rides, peut-être autour de l'âme, au bon endroit. Je préférais, garces frigides, les madones du feu, du froid, de la neige, du vent : déesses roses qui ont dans l'oil comme un bateau perdu. Je divorçais : métamorphose, l'absurde a ses malentendus, ses à-peu-près, ces grincements timides. Je me perdais dans quelque port ouvert aux lèvres jaunes, qui se vide quand les requins font un concert de crânes défoncés. Une roulette par trente à l'ombre, et les soupirs manchots, l'esprit trop court, l'âme trop blette, le portefeuille et le cour chaud : que fallait-il de plus au dilettante ? Je me jouais à pile ou face, nu, un doigt posé sur la détente : quelque noceur, un inconnu m'aiderait ce soir-là dans mon suicide. Un as de pique accordait le pardon. L'arbre se tait, l'azur décide et l'existence est un bidon qui pavé à pavé perd son pétrole. Je voulais enseigner l'art de mentir à des bourgeois, tous bénévoles pour préparer un avenir à cette humanité si peu humaine, qui ne distingue plus le bien du mal. L'esprit n'étant pas mon domaine, je me masquais : j'étais le bal. |
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Alain Bosquet (1919 - 1998) |
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Portrait de Alain Bosquet | |||||||||
La chronologie1919 March 28th: the birth in Odessa, Russia of Anatole BISK (occasionally BISQUE), son of Alexandre and Berthe Turiansky. His paternal ancestors, originally from Alsace and Belgium, established themselves in the Ukraine in the middle of the nineteenth century to work in railroad construction there. His father was a manufacturer, but also a poet. It was he who first translated Rainer Maria Rilke i Ouvres d'alain bosquetPoésie AperÇu biographique |
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