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Carl Norac



La candeur - le cygne dit - Poéme


Poéme / Poémes d'Carl Norac





Je capture une cigogne pour l'offrir aux putains d'hier.
Une cigogne sonnante et trébuchante.
Avec cet oiseau-là, donné le cou battant, les pattes frêles, je désire pour cette nuit, marchand, une fille sans vergogne, aux seins durcis, à l'urine claire.



Je ramène du présent un foie de génisse, les gonelles d'un paon, l'ombre perdue d'un chien d'épaule.
Je ne saisis plus la viande par l'anse.
Mon orgueil, endormi autrefois dans le corps de l'étang, reprend vigueur et plaisance dans le sang.

Ma paresse ne noie plus les chats sous une bière noire.
La violence ne m'est plus comptée.
Je suis même l'amour, je suis même la mon pour peu que l'on me déguise.



Je propose mes paupières au duvet comme à la chute.
Je garde sous mon bec une colombe pour la soif, mais nulle liberté à consentir.
Je montre une candeur impulsive à détruire.
Si je saisis dans un mythe ce qu'il ne m'enseigne pas, c'est pour m'ériger en linguam dans le présent d'un autre.



Léda, les robes sont nuisibles.
Elles lisent ta peau.
Sois nue si tu veux perdre la mémoire.
Je vais garder les plis de ton habit dans mon désir, près de la gorgée.
Je vais chausser ta voix, seréner tes seins, être à toi jusqu'au noud où dort la bienfaisance.
Les dieux pourront fondre sur toi comme unee armée en déroute.
Leurs incantations seront des balles perdues.
Ils ont usé leur front en litanies ou gâché leur sperme en sermons.
Moi je suis mortel et ne m'affirme dans aucune des illusions que l'homme s'attribue pour échasse vers le ciel.
Je regarde la nuit perdre ses effets de manche.
C'est mon seul infini.



Ton parfum m'éloigne des oies, ces femmes tristes.
Mon bec empenné, valide rêve de trouer ton ventre ici, de voler ce foie odorant sans que le sang ne touche au sang ni la salive au désir de blesser.
Frottis de plumes, maraude de pubis, ma verge est rouge sous mon aile, déjà mûre pour s'enfanter.
Mon gland est sa femelle.
Ne gémis pas,
Léda : les roseaux te regardent, te voient rompre comme le pain.
Un peu de cire ouvre une faille.
Ce n'est pas même une disgrâce.
Mon sperme couvrira ta voix, peut-être l'envers de ta honte bientôt, je ne saurai plus si tu es fille ou sour, mais la
Grande
Nuit nous fermera ensemble, un bélier d'équinoxe dans sa panse de louve.



Je suis poète où je vous parle.
A d'autres endroits peut-être un passager.
Je n'invite personne au voyage.
Je suis ou je suis le chemin.
On me jette à l'épaule des paumes amies, d'autres qui le sont moins : je serre essentiellement les mots.
Oui, je prétends à la littérature, comme on se pique d'une conquête difficile, comme on veut écrire parfois au-dessus de ses moyens, dilapider l'ennui de tant de pages imbues pour
Péblouissement bref, capiteux d'un poème en pâmoison devant la gorge qui le ceint et les doigts qui s'y refusent.



Nos verbes mettaient bas des faons à votre image.
Nous les laissions piétiner nos ouvrages de patience avant de les confondre à d'autres phrasés de la chair.
Puis, sans fracas, nous les avons répudiés tant ils nous semblaient frêles devant un hiver attendu, une pêne de siècle.
Aujourd'hui, orphelins de la neige, nous guettons dans le moindre songe des mufles de chiots, des sabots de parade.
Nous filons un néant cousu main, émiettons un infini.
Le feu aux joues, nous renvoyons les accoucheuses en les traitant de tous les noms de grêle et d'égérie.



Je vous donne un instant : attention, il brûle.
Il s'éprendra de vos doigts comme des lettres anciennes.
Le peu de nostalgie que nous nous partageons ne lui résiste pas.
Les plaisirs qui se croisent, les défaites annoncées sont des présages proches de ses cendres.
Pourtant, je ne bâtis pas contre son oubli.
L'instant qui brûle ne tombe pas, mais seulement se penche.
Le présent le garde avec ses troupeaux honnêtes de lueurs, et s'il me sert d'orgueil bien plus que de flammèche, c'est pour ouvrir la fronde au poème suivant.



Les nuits viennent avec la semence, parfois avant l'instant choisi.
Entre les doigts s'égouttent lâches quelques désirs, la plaie d'un appeau, une ruse.
On convertit le poing au bord d'une chemise.
On fêle un rêve ou deux.
Les mots s'ouvrent distraitement comme des nouds faciles ou des huîtres précieuses.
L'amour s'excusera d'être en retard pour peu que l'heure soit plus futile à l'homme qu'au poète.
Quelle belle pauvreté s'étonnerait sinon de ma verge patiente et moins de son langage ?



Vous trébuchez dans une absence.
Vous vous relevez aussitôt avec une moisson de coudes qui ne vous appartiennent pas.
Vous comptez les vendre au premier bras de passage sans vous inquiéter si une épaule se démet de vouloir les offenser ou d'en chasser la moelle obscure.
Confiez-les-moi.
Vous ne serez pas déçu.
Je saurai les nommer, y compris par le bris de leurs verbes indécents.
C'est un bouquet de sexes qu'un poème rendra, anonyme et debout, pour votre délivrance.

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Carl Norac
(1960 - ?)
 
  Carl Norac - Portrait  
 
Portrait de Carl Norac

Biographie

1960 Naissance à Mons ( Belgique ), le 29 juin. Il est fils d'un poète, Pierre Coran et d'une comédienne, Irène Coran. En naissant, il oublie de crier, ce qui lui cause une première nuit de questionnements sur le sens de la vie et du souffle. Carl ne vit que quelques heures la Belgique comme un empire colonial.
Le 30 juin est proclamée l'Indépendance du Congo. Le bébé en paraît soulagé. Il

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