Émile Zola |
Lire Zola, c'est d'abord se plonger dans vingt univers différents dont la diversité voulue enrichit le projet unitaire de la série. Ruptures de tons (l'Assommoir suivi d'Une page d'amour) ou rappels (de l'Assommoir à Germinal), la première impression qui vient au lecteur des Rougon-Macquart est surtout celle de la profusion : tous ces volumes composent un monde dont la richesse ne trouverait d'équivalent que chez Balzac ou Proust. On pourrait même dire que la poésie particulière de chaque ouvrage donne à l'ensemble l'allure d'une encyclopédie merveilleuse et infinie : l'euphorie d'une telle lecture se rapproche de celle que peut procurer, à la même époque, l'exploration du Grand Larousse. L'encyclopédie, il est vrai, a souvent l'aspect d'un grand roman multiple et le roman lui-même semble en marche vers l'encyclopédie : villes et campagnes, mines et côtes, Paris et provinces, il y a chez Zola l'ambition de tout dire, non pas de jouer sur une diversité impressionniste et choisie, mais de saisir le monde à bras-le-corps, et totalement. Chaque roman devient dès lors l'exploration d'un grand registre de sensations, de couleurs, de matières et d'odeurs, associées souvent à des mythes qu'on pourra montrer à l'ouvre : les couleurs de la Terre, par exemple, variant avec celles de saisons et des plantes, des travaux et des jours ; ou encore celles de Germinal, rouges et noires, feu et charbon, désirs de vie et forces de mort ; celles enfin de la Joie de vivre, grises, glauques et brunes comme les algues de Lazare. Ailleurs, Auguste Dezalay a montré l'importance initiatique du souterrain dans Germinal, Claude Duchet celle du feu, toujours, et de l'or dans la Curée. À un autre degré, moins symbolique peut-être, on aurait même le Ventre de Paris où chaque pavillon permet la saisie d'un univers charnel, on ne peut plus matériel : les viandes, les poissons, les fleurs, les beurres et les fromages dont le mauvais goût scandalisa, autant que la saveur exacte de l'argot de l'Assommoir. Ce que retient Zola de la science, c'est donc, d'abord, un projet totalisateur et exhaustif qui va bien avec ce qu'on pourrait appeler son appétit du monde : en rejoignant ces « morceaux de nature » qu'il découpe dans le réel, il veut tracer le tableau complet d'une certaine réalité biologique et historique, cette « Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire » dont parle le sous-titre des Rougon-Macguart. D'emboîtements en emboîtements, de microcosme en macrocosme, un lieu vaut pour le monde, un homme est un peu le reflet d'une famille qui renvoie l'image d'une époque, elle-même symbolique d'une histoire évolutive (Germinal) après avoir été cyclique et stationnaire (la lutte des Gras et des Maigres évoquée dans le Ventre de Paris). Couvrir l'espace, faire sentir la marche du temps (de la Fortune des Rougon à la Débâcle, du coup d'État à la défaite de 1870), l'ouvre de Zola cherche donc à être un monde qui donnerait le monde à voir dans sa globalité : en ce sens, il est bien l'ouvre d'un homme et peut-être d'un temps confiants en leur regard sur le monde, en la logique qu'ils y découvrent à l'ouvre. |
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Émile Zola (1840 - 1902) |
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Portrait de Émile Zola | |||||||||
Une encyclopédie poétiqueLire Zola, c'est d'abord se plonger dans vingt univers différents dont la diversité voulue enrichit le projet unitaire de la série. Ruptures de tons (l'Assommoir suivi d'Une page d'amour) ou rappels (de l'Assommoir à Germinal), la première impression qui vient au lecteur des Rougon-Macquart est surtout celle de la profusion : tous ces volumes composent un monde dont la richesse ne trouverait d'équ Une vie en travailLe monde de Zola n'est pas seulement ni même vraiment divers. En effet, il est d'abord cohérent et c'est à cette cohérence qu'il doit sa beauté. Il appartient donc au savant comme à l'écrivain d'y découvrir des réseaux, des sens et du sens, en fait. On comprend bien alors que les arbres généalogiques, les récits de filiations qui occupent de longues pages du Docteur Pascal ne sont pas un remplissa |
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