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Décadence et symbolisme






Il est bien difficile de parler en termes rigoureux de ce que fut l' « école symboliste » qui marque l'histoire poétique des dernières années du XIXe siècle. La difficulté tient à l'ambiguïté inhérente aux mots mêmes de « symbole » et de « symbolisme ». Dans l'usage commun, ce dernier notamment signifie aussi bien l'existence d'un vaste courant d'idéalisme poétique qui parcourt tout le siècle qu'un mouvement réduit mais disparate, qu'on a bien du mal à considérer comme une « école littéraire », qui vit le jour dans les années 1885. Au premier sens du terme, nombreux furent en effet les « symbolistes » dans ce grand siècle de poésie : Lamartine et Hugo le furent par leur aptitude à pressentir les mystères de l'au-delà, Nerval le fut par sa prétention à mêler rêve et vie, réalité et surréalité, Baudelaire et Rimbaud le furent par leur désir d'accéder à un « ailleurs » qu' « ici » révèle déjà, Verlaine par son culte de 1' « harmonie », Mallarmé enfin par sa conception fondamentalement « idéaliste » de l'écriture poétique. Néanmoins, ceux que l'histoire littéraire a nommés pour toujours symbolistes ne sont pas ceux-là ; ce sont leurs « fils », ceux qui les reconnaissent comme maîtres ou initiateurs, et qui tentent de se regrouper pour mieux affirmer leur existence et leur identité quand commence à mourir le siècle. Mais là encore le seul mot de « symboliste », s'il les désigne tous, n'en définit aucun avec exactitude : sous l'étiquette fallacieuse et provisoire d'une école bien peu structurée et cohérente se dissimulent nombre de groupuscules différents, voire contradictoires. Dans un souci de clarté nous dégagerons néanmoins trois composantes dans ce dernier mouvement du siècle : le groupe des « décadents » dont Laforgue fut la grande figure, celui des « symbolistes » proprement dits dont Moréas s'affirma le chef de file, et enfin « l'école romane » qu'un Moréas seconde manière illustra avec un inégal bonheur.



Si le mot de « symbolisme » est flou par définition, celui de « décadence » semble 6'enraciner avec plus d'authenticité dans l'histoire même du dernier quart de siècle. Dès 1863, dans son article sur Constantin Guys, le « peintre de la vie moderne », Baudelaire employait ce mot que Verlaine devait reprendre vingt ans plus tard avec ferveur dans son expression célèbre : « Je suis l'Empire à la fin de la décadence. » Les deux précurseurs signifiaient par là qu'ils avaient conscience de vivre, historiquement et littérairement, un monde d'une certaine manière en décomposition : décomposition politique d'abord avec les derniers soubresauts du IIe Empire puis sa chute sanglante en 1870, décomposition sociale aussi d'une société bourgeoise un moment à la dérive et qui engendre une jeunesse révoltée, complexée ou chahuteuse, celle du dandysme baudelairien, celle aussi de la bohème verlainienne et rimbal-dienne. C'est précisément dans cette bohème contestataire des cabarets de la fin de l'Empire et des premières années instables de la IIIe République que se manifeste la « décadence » poétique qui est tout à la fois mode, mythe et réalité. Comme aux plus beaux jours du romantisme se retrouve au salon, au cabaret ou à la brasserie, à Montmartre ou sur la Rive gauche, toute une « faune poétique » bariolée et enthousiaste qui se nomme T. Corbière, G. Nouveau, L. Tailhade, G. Rodenbach, E. Mikhaël, J. Laforgue, C. Cros. Ce dernier, un Méridional plein de fougue et d'humour, est de tous les groupuscules qui prolifèrent, se font et se défont aux hasards des rencontres et des querelles, mais qu'un même esprit anime, dire « zut » au monde bien-pensant et bassement matérialiste de la bourgeoisie : les « Hydro-pathes », les « Hirsutes », les « Zutistes »... Comme au temps du romantisme aussi, c'est par voie de presse, par le canal de « feuilles poétiques », que se font les grandes proclamations et que s'éditent les textes : La Décadence dirigée un moment par René Ghil, Le Décadent fondé en 1886 par Anatole Baju... L'unité de tous ces foyers, de toutes ces revues, est bien difficile à saisir : dans tous les groupes, des néo-romantiques tapageurs et débraillés ne côtoient-ils pas des anti-romantiques comme Tristan Corbière, détracteur des « pleurnicheries » lamartiniennes et des prétentions hugoliennes ? Et quand en 1887, dans un honorable mais bien vain souci de théoricien, le fougueux Baju publiera un manifeste de ce qu'il persiste à appeler « l'école décadente », la décadence déjà sera morte ou passée de mode ! Qu'en reste»t-il pour nous qui vivons aujourd'hui une autre fin de siècle ? Au moins une grande ouvre, sensible et cohérente, celle d'un génie trop tôt disparu : Jules Laforgue.



Né en 1860 à Montevideo de parents bretons, rongé très jeune par une phtisie qui l'emportera en 1887, voluptueux dans sa tristesse, désenchanté avant même d'avoir vécu, tragique mais souriant, Laforgue, avec ses contradictions, ses souffrances et ses désinvoltures, semble « coller » par sa person-nabté même à l'atmosphère et à l'esthétique de la décadence. C'est lui mieux que n'importe quel autre qui incarna ce nouveau « mal du siècle » - fait de mélancolie, de désenchantement et de pessimisme - qui semble frapper la dernière génération poétique du siècle. Les titres des trois recueils qu'il a laissés signifient bien l'essence de ce « mal » qui fait tout à la fois sourire et souffrir : Les Complaintes (1885), L'Imitation de Notre-Dame la Lune (1886), Le Sanglot de la Terre (posthume, 1901). Lucide sur ses propres maux qu'il raconte avec une bouleversante naïveté dans 6es chansons maladives et plaintives :



C'est la toux dans les dortoirs du lycée qui rentre,

C'est la tisane sans le foyer,

La phtisie pulmonaire attristant le quartier,

Et toute la misère des grands centres,



Laforgue le fut aussi sur la maladie et les laideurs de son temps. Ce sont elles qu'il se proposait d'évoquer à travers ses propres souffrances et angoisses, en usant de toutes les libertés, voire de tous les excès du langage : « Ce recueil, écrit-il à propos du Sanglot de la Terre, est l'histoire, le journal d'un Parisien de 1880 qui souffre, doute et arrive au néant, et cela dans le décor parisien, les couchants sur la Seine, les averses, les pavés gras, les Jablochkoff, et cela dans une langue d'artiste, fouillée et moderne, sans souci des codes du goût, sans crainte du cru, du forcené, des dévergondages, du grotesque. » Cette sincérité fondamentale et cette revendication de liberté esthétique feront de lui l'un des plus habiles créateurs et manieurs de ce « vers libre » que Moréas et les symbolistes désigneront après lui comme l'instrument idéal de la modernité poétique. En y juxtaposant les trivialités et les raffinements, les images les plus éculées et les termes les plus réalistes, Laforgue sut ainsi peindre ensemble, avec force et fantaisie, les décors d'un monde « encrassé » et les obsessions d'une âme tourmentée :



Blocus sentimental ! Messageries du Levant...

Oh ! tombée de la pluie !

Oh ! tombée de la nuit,

Oh! lèvent!...

La Toussaint, la Noël et la Nouvelle Année,

Oh ! dans les bruines, toutes mes cheminées !...

D'usines...

(Derniers vers.)



A partir de 1885 décadence et décadents semblent supplantés par symbolisme et symbolistes, si tant est que la différence entre les deux courants et les deux groupes soit nette puisque certains poètes, comme René Ghil par exemple, se dirent un moment décadents avant de rejoindre la « réaction » symboliste. Réaction ou réactions ? Car une fois de plus le disparate est de mise sons l'unicité d'un vocable : en invoquant pour maître Banville, certains de ceux qui vont se nommer symbolistes signifient leur hostilité aux reliquats du romantisme, aux soubresauts du néo-romantisme et aux « mystifications » d'une décadence qui «'use et se meurt d'elle-même ; en invoquant Verlaine ou Mallarmé, c'est bien sûr à un tout autre académisme poétique que s'en prennent ceux qui s'appellent également symbolistes ! Le nombre même des revues qui prétendent se faire l'écho du mouvement est révélateur des diverses et éphémères tendances qui le composent : Le Symboliste (1886), La Plume (1889), Le Mercure de France (1890), La Revue blanche (1891)- Un texte cependant, en dépit de son ton parfois trop pontifiant, mérite qu'on s'y arrête : c'est celui que Jean Moréas fit publier dans Le Figaro du 1er septembre 1886 sous le titre de « Manifeste du symbolisme ». Peu de poètes se sont sans doute reconnus dans cette conception éminemment platonicienne de la poésie symboliste telle que la définit péremptoirement Moréas ; nombreux en revanche furent ceux qui approuvèrent l'anathème initial lancé contre certaines formes poétiques « dévoyées » : « Ennemie de l'enseignement, de la déclamation, de la fausse sensibilité, ' de la description objective, la poésie symboliste/ cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible qui, néanmoins, ne serait pas son but à elle-même, mais qui, tout en servant à exprimer l'Idée, demeurerait sujette. L'Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l'art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu'à la conception de l'Idée en soi. Ainsi, dans cet art, les tableaux de la nature, les actions des humains, tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes : ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésoté-riques avec les Idées primordiales. » Pareillement, quand dans le même « Manifeste » Moréas se prenait à rêver d'une nouvelle poétique, fondée avant

tout sur les subtilités de la rime et du rythme, il traduisait bien tout l'espoir d'un renouvellement technique essentiel cher à la majorité de ses amis : « L'ancienne musique arrivée, ajoutait-il ; un désordre savamment ordonné ; la rime illucescente et martelée comme un bouclier d'or et d'airain, auprès de la rime aux fluidités absconces ; l'alexandrin à arrêts multiples et mobiles ; l'emploi de certains nombres impairs. » En réabté Moréas retrouvait là les libertés qu'un Laforgue s'était déjà données dans son utilisation du vers libre et que désormais des gens comme Gustave Kahn, Stuart Merrill et Vielé-Griffin allaient reprendre à leur compte.

Quelles sont les autres personnalités marquantes de ce groupe symboliste si composite à qui Moréas imposa une unité un peu factice par la solennité de ses proclamations ? Albert Samain (1858-1900) tout d'abord, discret et nostalgique rêveur dont les « paysages intérieurs » rappellent en fait davantage les splendeurs d'un Hugo ou d'un Hérédia que les nuances de Verlaine :



Mon âme est une infante en robe de parade

Dont l'exil se reflète, étemel et royal,

Alix grands miroirs déserts d'un vieil Escurial.

Ainsi qu'une galère oubliée en la rade.



Chez Emile Verhaeren (1855-1916) la poésie symboliste, vigoureuse et exaltée s'ouvrit, dans ses Villes tentaculaires (1895) notamment, au monde du travail, prouvant que le symbolisme, s'il se fonde dans l'idéalité et s'adresse à 1' « âme », n'en oublie pas pour autant l'univers des réalités quotidiennes. Enfin, l'ouvre poétique de Maurice Maeterlinck (1862-1949) fut, elle, trop éclipsée par la célébrité théâtrale de son auteur ; et pourtant - et ce en dépit de sa minceur (un court recueil intitulé Serres chaudes paru en 1889 et suivi de Douze ChansonS) - elle illustre bien tout ce que fut en ce domaine la création symboliste : d'un côté une mise en scène languissante et parfois un peu mièvre de certains poncifs sentimentaux, mais de l'autre une audacieuse évocation de ce que la réalité propose d'insolite et de curieux à qui sait la regarder avec perspicacité et humour.



Disparate jusqu'à la confusion, raffinée jusqu'à la « déliquescence », l'école symboliste, comme le courant décadent, allait s'épuiser d'elle-même en laissant plus de promesses pour l'avenir que de grandes ouvres sur le moment. De cet épuisement est révélatrice la volte-face de Jean Moréas. Lui que son article du Figaro de septembre 1886 tout autant que son recueil de poèmes paru la même année, Les Cantilènes, avaient consacré comme chef de file de l'école, allait dès 1890 rompre avec ses amis et s'engager sur la voie d'une nouvelle « réaction » : cette fois contre les excès du sentimentalisme et contre l'abus des licences poétiques. Entraînant avec lui quelques autres poètes qui ont noms Raymond de La Tailhède, Ernest Raynaud, Maurice du Plessys et surtout le théoricien et critique Charles Maurras, il fonde en 1891 « l'école romane » dont les motivations sont proches de celles d'autres mouvements contemporains comme l'école dite de Toulouse ou le groupe « naturiste ». Toujours aussi péremptoire dans ses déclarations, Moréas prétend par cette réaction effacer les erreurs d'un siècle de poésie, depuis les ouvres des premiers romantiques jusqu'aux productions les plus récentes des symbolistes, en retrouvant la rigueur et la sobriété des grands modèles classiques ou même antiques. C'est de ce désir de discipline sentimentale appuyée par une perfection formelle (désir qui n'est pas bien sûr sans rappeler celui des gens du ParnassE) que sont imprégnés les textes qu'il rédige de 1899 à 1901 et qui paraissent sous le titre évocateur de Stances. On peut y voir une dernière fois l'expression d une poésie désormais sans avenir qui semble se donner l'ultime spectacle de ses belles mais stériles ruines :



Sunium, Sunium, sublime promontoire

Sons le ciel le pluB beau.

De l'âme et de l'esprit, de toute humaine gloire

Le berceau, le tombeau !

Jadis, bien jeune encor, lorsque le jour splendide

Sort de l'ombre vainqueur.

Ton image a blessé, comme d'un trait rapide,

Les forces de mon cour.

Ah ! qu'il saigne, ce cour ! et toi, mortelle vue,

Garde toujours doublé,

Au-dessus d'une mer azurée et chenue.

Un temple mutilé.



Reste à préciser que ce qu'il y avait de meilleur et de plus original dans l'expérience symboliste ne meurt pas pour autant dans cette autodestruction du mouvement décadent ou de l'école symboliste. S'il est incontestable de dire qu'en 1900 le « militantisme » symboliste est mort, il faut ajouter que la réflexion symboliste, elle, avec tout ce qu'elle apporta de neuf, de Baudelaire à Moréas, sur le sens de la conception et de la pratique de l'écriture poétique, va continuer de porter ses fruits et de laisser des traces non négligeables durant toute la première moitié du XXe siècle : les ouvres de Francis Jammes et de Miloscz, de Claudel et de Valéry, voire celles d'un Léon-Paul Fargue ou d'un Saint-John Perse sont là pour en témoigner.

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