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Mme de STAËL (1766-1817) - La première des femmes






La première des femmes



En un temps où les femmes n'avaient pas toujours le droit à la parole, il est normal que l'ouvre, l'action et les idées de Mme de Staël soient apparues, en elles-mêmes, comme un scandale. Mais ce que dit cette ouvre dérangeait aussi un certain nombre de conformismes et d'ordres établis contre lesquels Mme de Staël se voulut le porte-parole de l'élan, de la liberté, de la générosité.

Le milieu où naît Germaine Necker peut expliquer ces aspirations : son père, financier protestant genevois, va devenir l'homme politique que l'on sait, intelligent et populaire, au temps de la monarchie finissante : sa fille lui restera très attachée (un texte de 1804 en fait foI) ; elle a aussi connu dans le salon de sa mère la mouvance encyclopédiste, ce qui ne l'empêche pas pour autant d'admirer Rousseau (des Lettres sur cet auteur en 1788, après des ouvres de jeunesse, notamment théâtraleS). À vingt ans, elle épouse le baron de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède, mais entretient vite une liaison avec Louis de Narbonne, le premier d'une série d'amants où l'on comptera aussi Benjamin Constant, et, à la fin, John Rocca. Au moment de la Révolution, son activité enthousiaste des débuts ne lui évite pas les ennuis : elle est obligée de quitter Paris et la France, mais continue de s'intéresser à la politique française (Réflexions sur le procès de la reine, 1793) ainsi qu'à ses amis en danger. Elle revient en 1795, avant d'être de nouveau chassée, toujours en raison de ses amitiés fidèles (Talleyrand lui devra son ministèrE) et de ses démêlés avec le pouvoir en place, quel qu'il soit.



Bonaparte le sent bien, qui refuse les avances de celle qui s'estime à juste titre la première des femmes de son temps et qui jouit d'une célébrité indiscutable. Mais pour Bonaparte, et pour Napoléon a fortiori, elle n'est qu'une intrigante, une opposante qu'il faut exiler à plus de quarante lieues de Paris : il est vrai que De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800) et le roman Delphine (1802) contiennent des audaces difficiles à accepter. L'auteur futur de Corinne ou l'Italie (1807) voyage alors en Allemagne, en Italie, et y rencontre l'élite intellectuelle dont sa maison de Coppet accueillera une partie : outre la maîtresse de maison, toujours aussi active et brillante, on y croise Constant, Schlegel ou Sismondi, parfois Chateaubriand ou Mme Récamier. C'est en 1812 qu'elle entreprend un immense voyage qui la mène à Londres où elle publie De l'Allemagne (1813) mis au pilon en France trois ans plus tôt : mais, pour cela, il aura fallu passer par Saint-Pétersbourg, toujours pour éviter Napoléon et ses armées (Dix Années d'exil, 1821). Après la chute de l'Empereur, Mme de Staël revient à Paris, mais continue à voyager entre Coppet et l'Italie. D'importantes ouvres posthumes viendront compléter notre connaissance de l'écrivain et de la femme politique (Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, 1818).



Une esthétique de la générosité



Le nom de Mme de Staël est plus souvent associé à l'histoire intellectuelle ou littéraire qu'à la littérature proprement dite : elle est l'opposante à l'Empire, le centre du cercle de Coppet, la première théoricienne du romantisme. Mais si ses options politiques et ses théories sont en effet remarquables, courageuses, neuves, exprimées avec beaucoup de vigueur démonstrative, elles sont aussi l'ouvre d'un écrivain qui mérite d'être apprécié en tant que tel. Sur ce point justement, on a souvent mentionné la difficulté d'un auteur qui appartient à deux siècles à la fois, héritier des Lumières, libéral, et en même temps proche de toute une philosophie de la nature très allemande : Montesquieu et Novalis. D'un autre côté, l'argumentation serrée, quoique répétitive et un peu forcée, du critique n'exclut pas la composition plus diffuse, le ton plus exalté, les « phrases », parfois, au sens péjoratif du terme, que l'on peut trouver sous la plume du romancier. Une ouvre, donc, diverse, multiforme.

Cherchant à définir Mme de Staël, B. Constant disait que ses « deux qualités dominantes étaient l'affection et la pitié ». Ce sont là des qualités morales, mais qui, sur un plan intellectuel, expliquent sans doute l'enthousiasme et la générosité. Qu'on lise par exemple sa définition du plaisir esthétique dans De la littérature : il « tient au besoin de reculer les limites de la destinée humaine ; ces limites qui resserrent douloureusement notre cour, une émotion vague, un sentiment élevé les fait oublier pendant quelques instants ». Aimer la beauté, aimer tout simplement, c'est donc se plonger dans l'infini, c'est surtout se donner, sortir de soi et de sa condition. La nature offre bien sûr de ces moments privilégiés, ainsi que la passion avec ses dangers (De l'influence des passions..., 1796), mais la conscience, de l'histoire, la compréhension des peuples et des cultures seront aussi propices à ces émotions où l'imagination se dilate, sort de ses cadres habituels. D'où le cosmopolitisme de Mme de Staël qui est en fin de compte une poétique : l'Italie de Corinne, l'Angleterre d'Oswald (toujours dans CorinnE), l'Allemagne sont d'abord des mondes à explorer, des lieux magiques à découvrir qui nous permettent d'échapper aux déterminations strictes de notre condition. L'effort vers l'autre devient ainsi l'approfondissement de soi. Si bien que l'ouvrage, par exemple, sur l'Allemagne, peut être compris à la fois comme une étude théorique et comme une utopie : l'utopie d'un lieu où les grandes beautés du christianisme chevaleresque et du sentiment triomphent des mesquines oppressions de la vie réelle ; l'Allemagne décrite, donc, mais installée aussi en opposition à une France laide et désuète, d'où la liberté et le lyrisme sont exilés.



Génie et liberté



Il y a là en effet un deuxième point important pour comprendre Mme de Staël : le génie des peuples s'exprime à travers les voix inspirées de quelques philosophes, de quelques artistes d'exception. Corinne l'Italienne est poète, et son nom même est celui d'une poétesse antique ; Delphine vient peut-être de Delphes (selon C. HerrmanN). Au-delà de l'implication autobiographique, il s'agirait donc aussi d'un féminisme avant la lettre, voyant dans certaines femmes la figure d'un peuple ou d'un art : il est vrai que d'un autre côté cette gloire est en même temps un malheur dans une société faite par et pour les hommes, ce qui explique au passage les échecs des héroïnes staëliennes. Si l'on en revient à ces poètes-symboles, Corinne l'Italienne représente donc son pays comme Homère et Ossian ont dit autrefois le midi et le nord ; et Mme de Staël privilégie ici le nord parce qu'on y trouve un enthousiasme profond, un mouvement attribués à tort aux cultures méridionales. C'est au nord qu'on découvrira le plus de sensibilité, d'exaltation et de mélancolie : « l'imagination des hommes du nord s'élance au-delà de cette terre dont ils habitent les confins ; elle s'élance à travers les nuages qui bordent leur horizon, et semblent représenter l'obscur passage de la vie à l'éternité » (De la littérature...). On passe ainsi sans difficulté de la théorie des climats à la psychologie esthétique ; mais on sent bien que cette esthétique est en même temps morale : une morale d'enthousiasme que Constant voyait aussi dans Corinne où le sentiment triomphe de l'intérêt, du repos, du souci de la considération, héroïne idéale même si elle n'est pas vraisemblable. On voit donc le parallèle qui peut s'établir, d'une part, entre le génie national et le génie individuel, et, d'autre part, entre la littérature, l'art en général, la morale et la liberté.

D'où les enjeux politiques de cette ouvre, et d'abord la critique de la tyrannie dont Mme de Staël connut les rigueurs, tout comme les écrivains sous Auguste ou Tibère. Dans ces régimes, tout est au service de l'oppression et des intérêts particuliers de ceux qui dirigent. En dehors même de l'Empire et de son personnel, l'ancienne monarchie absolue, où s'est cristallisée une oppression féodale millénaire, a provoqué en retour des secousses dont la fille de Necker a connu la violence. Le malheur des temps, le drame de l'histoire veut donc que la tyrannie, et avec elle la guerre, l'esprit de conquête, le mépris de l'autre et de sa culture puissent l'emporter. Mais peut-être y a-t-il là le germe d'une révolte politique, pour la liberté et la paix (Réflexions sur la paix intérieure, 1795), qui aboutira aussi à ce qu'on appelait à l'époque le progrès de la littérature. Car il y a toujours une complicité entre le despotisme et l'immobilisme esthétique : il suffit d'évoquer le néoclassicisme de l'Empire ! Inversement, la liberté en art, les littératures venues d'autres horizons, tout cela est indissociable d'un mouvement de l'esprit (qui est par nature perfectiblE), et se traduit, en politique, par la résistance à l'oppression et par l'amour de la liberté : d'où un double libéralisme. On a souvent reproché à Mme de Staël cette double valeur de son ouvre, qui l'aurait fait perdre sur les deux tableaux, notamment dans Corinne. En fait, cette ambiguïté, pas toujours bien assumée, il faut le dire, est une richesse ; il y a là, d'une part, une critique historique et sociale du fait littéraire, mais aussi le regard d'un écrivain, qui prend parti, sur l'actualité et l'histoire : la gloire du monarque, toute éclatante qu'elle soit, est soumise à son jugement.

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