Francis Jammes |
C'était à la fin d'une journée bleue, tiède et claire. Un piano chantait dans ces quartiers blancs et neufs où les lauriers, les grilles, les sycomores trembleurs font penser à des amours de pensionnaires. Les vignes-vierges, comme des cordes de piments rouges, rampaient dans le vent triste comme une flûte, qui soufflait doucement dans le crépuscule, à cette heure où, comme les cours, les feuilles bougent. Mon âme, que ce soit le matin ou le soir, aime les grands murs blancs qui ont des lèvres de roses. Elle aime les portes fermées qui gardent des choses qui s'enfoncent dans l'ombre où est la véranda. Amaryllia se promenait à mon côté. Soucieuse, elle saisit ma canne d'ébène, comme en devaient avoir, au déclin des Étés les vieux rêveurs comme Bernardin de Saint-Pierre. Elle me regarda et dit : « Comme je t'aime... Je ne me lasse pas de répéter ces mots... Dis-moi encore que tu m'aimes. » Je dis : « Je t'aime... » Et mon cour tremblait comme de noirs rameaux. Il me sembla alors que mon amour pour elle s'échappait en tremblant dans le jour rose et mûr, et que j'allais fleurir, derrière les doux murs, les sabres des glaïeuls dans les tristes pa -terres. Vers elle je penchai ma lèvre, mais sans prendre le baiser qu'elle s'attendait à recueillir. Ce fut plus tendre encore qu'une guêpe chantante qui voudrait sans vouloir se poser sur un lis. C'était l'heure où l'on voit les premières lumières éclairer la buée des vitres, dans les chambres où, penchés sur un atlas clair, les écoliers peignent l'Océanie avec des couleurs tendres. Amaryllia me dit : « Ah! les petites riches... « En voici deux qui rentrent avec l'institutrice... » Alors mon cour devint grave comme l'Évangile, en entendant Ces mots, et triste à en mourir. Ô mon Dieu ! Je crus voir, à plus de vingt ans de là, la petite enfant que fut Amaryllia. Ah! elle était sans doute un peu pauvre et malade... Ô Amaryllia! Dis? Où est ton cartable? Et, au moment où les enfants riches passèrent, je me sentis trembler au bras de mon amie. Mon cour se contractait à la pensée d'un Christ qui n'appelait à lui que les fils d'ouvriers. |
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Francis Jammes (1868 - 1938) |
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Portrait de Francis Jammes | |||||||||
OuvresFrancis Jammes (1868-1938). Célèbre, et lu, parmi les plus grands, sans presque quitter Orthez, son « village », Jammes le fut et devrait l'être encore. Ami de Claudel, de Larbaud, de Gide (avec lequel il se fâche), il ne ressemble qu'à lui-même, Tibulle chrétien, ou croyant païen, et mène la poésie à son allure pas toujours naïve. Car il faut quelque savante magie pour rendre édénique ce qui, déj La vie et l'Ouvre de francis jammesAprès avoir fait ses études au lycée de Pau, puis à Bordeaux, Francis Jammes se passionne pour les livres de Jules Verne. En 1886, il échoue au bac et se réfugie dans l'écriture. Il rédige alors quatre-vingt-neuf poèmes. A Orthez, il devient trois ans plus tard avoué chez un notaire mais ce travail l'ennuie. Il envoie ses essais poétiques à des revues littéraires dans lesquelles il est remarqué pa |
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