Francis Jammes |
Je la désire dans cette ombreuse lumière qui tombe avec midi sur la donnante treille, quand la poule a pondu son ouf dans la poussière. Par-dessus les liens où la lessive sèche, je la verrai surgir, et sa figure claire. Elle dira : je sens des pavots dans mes yeux. Et sa chambre sera prête pour son sommeil, et clic y entrera comme fait une abeille dans la cellule nue que blanchit la chaleur. Un poète disait que, lorsqu'il était jeune, il fleurissait des vers comme un rosier des roses. Lorsque je pense à elle, il me semble que jase une fontaine intarissable dans mon cour. Comme sur le lys Dieu pose un parfum d'église, comme il met du corail aux joues de la cerise, je veux poser sur elle, avec dévotion, la couleur d'un parfum qui n'aura pas de nom. Son souvenir emplit l'air si clair que j'ai cru que l'ombre d'un oiseau me tombait sur la tête. Le tulipier d'un parc est d'un vert noir et cru. Une beauté sans nom emplit l'azur, du faîte des pignons enfumés au plus loin horizon. Dans le salon où elle vint, dans le salon où il y avait des lilas sombres comme la nuit, il y a maintenant des roses dans un verre et un bouton de magnolia que ma mère a posé sur le piano creux et verni. Cette fleur ne s'est pas encore épanouie, mais elle s'est gonflée comme pour éclater, et se soulève hors du vase, et l'on dirait qu'elle va s'envoler au milieu de l'Eté. Je ferme ma croisée pour mieux enfermer l'ombre. Je songe. J'ai souffert. Je ne sais plus. Je songe. La pompe grince et mon chien dort sur le parquet. Quand donc viendra le jour où, poussant le loquet de la porte d'entrée qui rêve sous le cèdre, sa main fera jaillir sur les dalles usées tout ce que sa présence amène de lumière ? Les lilas qui avaient fleuri l'année dernière vont fleurir de nouveau dans les tristes parterres. Déjà le pêcher grêle a jonché le ciel bleu de ses roses, comme un enfant la Fête-Dieu. Mon cour devrait mourir au milieu de ces choses car c'était au milieu des vergers blancs et roses que j'avais espéré je ne sais quoi de vous. Mon âme rêve sourdement sur vos genoux. Ne la repoussez point. Ne la relevez pas, de peur qu'en s'éloignant de vous elle ne voie combien vous êtes faible et troublée dans ses bras. Deux ancolies se balançaient sur la colline. Et l'ancolie disait à sa sour l'ancolie : Je tremble devant toi et demeure confuse. Et l'autre répondait : si dans la roche qu'use l'eau, goutte à goutte, si je me mire, je vois que je tremble, et je suis confuse comme toi. Le vent de plus en plus les berçait toutes deux, les emplissait d'amour et mêlait leurs cours bleus. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Francis Jammes (1868 - 1938) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Francis Jammes | |||||||||
OuvresFrancis Jammes (1868-1938). Célèbre, et lu, parmi les plus grands, sans presque quitter Orthez, son « village », Jammes le fut et devrait l'être encore. Ami de Claudel, de Larbaud, de Gide (avec lequel il se fâche), il ne ressemble qu'à lui-même, Tibulle chrétien, ou croyant païen, et mène la poésie à son allure pas toujours naïve. Car il faut quelque savante magie pour rendre édénique ce qui, déj La vie et l'Ouvre de francis jammesAprès avoir fait ses études au lycée de Pau, puis à Bordeaux, Francis Jammes se passionne pour les livres de Jules Verne. En 1886, il échoue au bac et se réfugie dans l'écriture. Il rédige alors quatre-vingt-neuf poèmes. A Orthez, il devient trois ans plus tard avoué chez un notaire mais ce travail l'ennuie. Il envoie ses essais poétiques à des revues littéraires dans lesquelles il est remarqué pa |
|||||||||