Francis Jammes |
Caûgt avait deux jolis coqs dans son panier. Il a quatre-vingts ans. Il vit près des sentiers de Saint-Boès qui sont désolés et sauvages. Les bécassines y font luire leur plumage. Caùgt m'a dit : salut! Et dans le champ sauvage ma chienne essoufflée ramassait la bécassine tuée. Caùgt m'a dit : j'ai connu vos parents qui sont morts. J'ai quatre-vingts ans. Mon fils avait pareille une chienne de chasse. Et le coteau était noir, roux comme les bécasses. Caùgt m'a dit : salut 1 Et vers le bois terrible je suis allé. Caùgt me regardait partir. J'étais dans les touyas avec ma chienne douce, et nous allions au bois d'argent, d'ombre et de mousse. Et j'ai pensé à toi qui as la peau douce comme un grain de raisin et une nèfle rousse. Les éperviers aigus volaient sans avoir l'air de bouger. La tête lourde des corbeaux comme un clou épais. Les piverts volent comme des vagues, en courbées et, droits, ils griffent l'écorce, cachant leurs plumes vertes. Les ruisseaux après la pluie sont un peu jaunes et, au printemps, au bord, il y a des anémones. Le coteau est comme en sang noir et, du haut, les montagnes nagent au ciel doux, simple et beau. De l'autre côté des coteaux sont les villages doux qui dorment au soleil comme des haches. Là, il y a des tonnelles tristes au vieux jardin où les poules grattent près des buis, des ricins. La tonnelle en lauriers luisants est verte et noire. Il y a un banc, au fond, en bois couleur de soir, et qui est un peu humide, à cause de l'ombre, même l'été quand le soleil est en bleu plomb. Viens-y! L'après-midi sera luisant. Ta bouche sur ma bouche nous nous tairons, et les cigales cliqueront sur les roses en eau rose du Bengale. Nous nous aimerons tant que nous ne respirerons plus, en nous pressant sur le banc noir et vermoulu, aux pieds en bûches. Puis nous reviendrons, le soir. Les génisses douces tendront le cou vers toi, à l'abreuvoir. Puis nous irons voir Caùgt dont le nom me plaît comme une flûte et comme des violettes, Caûgt qui dit : salut! qui a quatre-vingts ans, des joues rouges ridées, maigres, des yeux luisants, qui regarde, méfiant, par les haies d'églantiers, et qui porte de jolis coqs dans son panier. |
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Francis Jammes (1868 - 1938) |
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Portrait de Francis Jammes | |||||||||
OuvresFrancis Jammes (1868-1938). Célèbre, et lu, parmi les plus grands, sans presque quitter Orthez, son « village », Jammes le fut et devrait l'être encore. Ami de Claudel, de Larbaud, de Gide (avec lequel il se fâche), il ne ressemble qu'à lui-même, Tibulle chrétien, ou croyant païen, et mène la poésie à son allure pas toujours naïve. Car il faut quelque savante magie pour rendre édénique ce qui, déj La vie et l'Ouvre de francis jammesAprès avoir fait ses études au lycée de Pau, puis à Bordeaux, Francis Jammes se passionne pour les livres de Jules Verne. En 1886, il échoue au bac et se réfugie dans l'écriture. Il rédige alors quatre-vingt-neuf poèmes. A Orthez, il devient trois ans plus tard avoué chez un notaire mais ce travail l'ennuie. Il envoie ses essais poétiques à des revues littéraires dans lesquelles il est remarqué pa |
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