Francis Vielé-Griffin |
En un bois calme et frais Où ne danse nulle ronde Que de mes songes diaprés La menthe sauvage abonde ; J'y fis maints rêves vrais Au loin du monde. Le doux bois, la sainte forêt, Avec ses arbres familiers, Ses taillis dont on ne saurait Nombrer les tiges par milliers ; Assis à l'ombre hospitalière Je mâchonne une feuille de lierre. Ecoutant chuchoter les peupliers. Quand court un frisson blême, Par leurs feuillages éparpillés : « Ton rire est cher à l'écho même, « Qui l'a redit parmi les saules, « Et c'est ainsi que moi je t'aime « Et vais redisant tes paroles ; « Ton ombre est fraîche à l'herbe grise, « Ton doux poids réjouit la mousse, « Ainsi mon âme aussi s'est mise, « En l'ombre de ton âme douce ». Il pleut sur les mousses fleuries A grosses gouttes de soleil ; Les heures vont par les prairies Et l'air s'engourdit de sommeil ; Par delà l'allée en arche, Par delà l'ogive des branches Plane, parfois, une nuée aux ailes blanches ; Là-bas, sur l'horizon de plages, La lenteur des plus lourds nuages S'est profilée en patriarche, Aux rêves graves et sages ; Plus ne s'entend le chant du merle, Il vient une rumeur des plages : « C'est quelque chose d'être ainsi « Insoucieux qu'ailleurs déferle, « La mer de Vie avare et folle ; « Ta voix est une vague, aussi, « Ta voix qui s'enfle et qui s'éperle « Ainsi, légère et sans parole ». Les heures vont rieuses ou silencieuses Et l'ombre tourne au pied lourd des yeuses, Qui baignent dans la clarté molle ; Les rayons obliquent lentement, Et, sous la brise, les feuilles écouteuses Chuchotent de moment en moment Un nom qui jamais ne varie : « En un clair chant d'amour joli, « Ta voix aux feuilles se marie, « A l'eau gouttant au roc poli, « Au gazouillis de l'air, Marie, « Ta voix doucement se marie ; « Cette ombre est violette et rose, « Tu tiens une fleur de coquette « De ta main lente qui se pose ; « La fleur est rose et violette ; « Ton col s'incline au gré des gammes « Qu'éperle ra lèvre mi-close : « C'est ainsi que rêvent les femmes ; « T'aimer ainsi, c'est quelque chose... » Les bouleaux ont des sveltesses de femmes Parmi les pâles pins moroses ; Le vent, muet tantôt, vagit et veut parler Comme un enfant qui s'éveillerait. Comme un enfant qui veut parler Le vent ne sait que pleurer ; Le vent pleure en accords éoliens, Tristes à faire pleurer, Tristes comme ton ombre nuit qui vient ; Et la forêt lentement s'isole : On y marche comme un intrus au crépuscule, Sa vie auguste se recule Loin de l'homme et de sa parole Trop mesquine pour son grand rêve d'ombre ; Le bois se solennise en temple, Le bois religieux contemple La mêlée où doit vaincre l'ombre. - O l'hymne des grands pins vers le soleil qui sombre ! La lamentation ulule lente et traîne Par la vallée en lourds rythmes de thrène ; Les feuilles planent et vont atterrir ; Par les gaulis d'ombre tramés Sanglore la honte de mourir ; L'éternelle forêt agonise à jamais ; Muettes, les feuilles se tassent pour pourrir Dans l'ombre, à jamais. |
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Francis Vielé-Griffin (1864 - 1937) |
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Portrait de Francis Vielé-Griffin | |||||||||
Biographie / chronologie1863 - Le 26 mai, naissance à Norfolk en Virginie, d'Egbert Ludovicus Vielé, « Bertie », quatrième enfani de Térésa Griffin et du Général Egbcrt Vielé, gouverneur militaire de la Virginie pendant la Guerre de Sécession. Bibliographie / OuvresORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE |
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