Francis Vielé-Griffin |
Je pense à vous sans faiblesse : Je suis triste et fort. Triste comme le vent qui d'est au nord Passe, revient et tourne avec ces feuilles lestes, Mes peines, Autour de ces rosiers qu'il blesse. Ma tristesse est ardente et souveraine Comme ce lourd soleil ardent Qui frappe, telle une foudre Muette et continue, Et crispe la ramée entte ses dents, Et broie du pied la route nue. Et la rejette en poudre. Je sens en moi l'automne impérial Hautain et sans pitié de soi. Fort d'un espoir immense comme une joie. Grave comme un roi Silencieux et pâle... Je pense à vous sans douleur solennelle. Maître, vous vivez De cette Vie plus haute et immortelle, De cette vie invectivée, La vie de ceux qui procréèrent leur âme Et naquirent de leur volonté. Invulnérables au rire infâme, Joyeux d'avoir vu la Beauté, Car il ne fut pas d'ombre autour de vous Que celle de toute cécité. J'ai vu des larmes sur vos joues... Vous avez dédaigné jusqu'au symbole Précaire d'un tombeau de gloire ; Et vous avez gravé sur la mémoire. Comme un qui trace sa devise dérisoire Sur un miroir, Des mots que nul ne lit sans trouble, - Et cependant qu'il lit et songe. Il a vu par-delà les mots son double, L'image de lui-même son mensonge. Donc, vous marchiez paisible et grave. Sans crainte qu'un renom vous fît esclave, Souriant d'un secret lu en vos pensées. Maître, vous fûtes brave et insensé, Vous fûtes sage De la sagesse de ceux qui savent Que tout excès de joie doit être compensé, Que pour toute naissance il faut une tuerie, Qu'afin que tout retombe à l'équilibre stable Il faut sur cette terre dont Dieu fit une étable, Pour tout berger de songe, un bétail ahuri. Vous fûtes le seul homme peut-être alors. Je vous évoque d'entre les millions Contre le vieux décor Qui tourne et change, et que voici le même encor : Vous souriez de ce rire étrange, Et si nous nous émetveillons D'une chute d'ange, D'une mort d'âme, D'une trahison, - Levant les yeux, nous vous voyons Debout, rêveur et calme Contre le vieux décor... - Maître, qui disait que vous étiez mort ?... Je ne sais qui de nous vous connut le mieux ; Il est des cours blessés qui saignent. Il en est qui vivront d'une vision de vous. Pensifs et pieux, Jusqu'à ce que leurs yeux Se ternissent et s'éteignent. Moi je vous connus bien, vous devinant, Car vous tendiez la main à tout venant. Qui donc encourut votre blâme ? Mais lorsque vous voyant trompé, vous tressaillîtes D'un désarroi de l'âme, Vous détournant de quelque parasite, Vous m'avez vu sans feinte et l'âme prête. Et vous avez mieux compris qui vous êtes. Je rêverais d'une effigie Parmi les arbres, Aux lieux où l'eau baise les branches : Elle serait d'airain ou de marbre, Et ténébreuse et blanche ; Mais elle dirait l'énergie De qui marcha le long des parois fatales, Où grimace rouge, ou jaune, ou pâle. Toujours obscène Selon le caprice indécent d'un dieu farouche, La face humaine Et tous les rires de sa bouche. Je rêverais ta statue claire ou sombre, Immobile parmi l'année en désarroi. L'automne impérieux dévêtirait son ombre Et sèmerait au fleuve l'énigme de ta joie ; Et celui qui viendrait courbé sur l'eau qui mire, Sans souci de sa grâce jeune qui s'y mire, Mêlant son cour au tien son maître pourrait lire Le secret bien gardé de la vaillance austère, Le mot prestigieux de passe et qu'il faut taire, Que trace lettre à lettre la guirlande des feuilles, Epave diaprée qui formule un mystère, Le vieux nom surhumain de la vertu : - ORGUEIL. |
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Francis Vielé-Griffin (1864 - 1937) |
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Portrait de Francis Vielé-Griffin | |||||||||
Biographie / chronologie1863 - Le 26 mai, naissance à Norfolk en Virginie, d'Egbert Ludovicus Vielé, « Bertie », quatrième enfani de Térésa Griffin et du Général Egbcrt Vielé, gouverneur militaire de la Virginie pendant la Guerre de Sécession. Bibliographie / OuvresORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE |
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