Francis Vielé-Griffin |
Arrête-toi, Ecoute-moi, mon frère qui passes ; Tais-toi : Je sais notre âme tendre et lasse, Que tu marchais sans regarder, ni voir, Vers quelque espoir Ancien et cher - ou jeune, à peine aimé, Comme un rire entrevu qu'on suit, moqueur, Ou comme un long regard perdu qu'on va cherchant, Marchant Marchant - d'octobre en mai ; Je sais ton cour, mon cour. Vois : pense avec mes paroles choisies ; Malgré le lourd flux de ton sang Qui bat ta tempe flots sur flots. Rêve en mes paroles choisies : Avec ton gai sifflet par les genêts Et tout le blond soleil éblouissant - Si bien que tu marchais les yeux clos Sur la route qui te menait - Tu n'étais joyeux que de quelque espoir ? C'est d'elle ? avec un baiser à cueillir ? Je sais ton cour - on n'est pas gai à moins ; Vers son baiser qui sait vieillir Marche, ivre, donc, au long des jeunes foins ; On n'est pas ivre à moins. Si ce n'est d'elle - assieds-toi ; tu es triste ; Hors celle-là, il n'est pas d'autres joies ; La vie est grave et la mort est sinistre : Avec son envergure au vol démesuré. Son ombre sur la vie est d'un oiseau de proie. Certes, tu n'auras pas désespéré ; Serrant ta volonté autour de toi - Comme on serre un manteau trempé de pluies - Tu marches droit, Tu te sais immortel et tu défies Le temps que tu sais leurre, Mais tu as peur de mourir, même une heure - Une heure !... tu le vois bien, l'heure t'étreint, Mon frère humain. Tu es triste ; Tout souvenir est un tombeau sans Christ, La route qui t'a mené jusqu'ici D'un vieux souci vers un jeune souci - Si tu te retournais, la main au front, Ainsi que celui qui regarde au loin, Ainsi que font Aux portes des tombeaux les hauts veilleurs de marbre - Et d'arbre en arbre... Ton bel amour, ta jeune idée ! Si bien que tout rire d'un sanglot se fausse Et que ton cher espoir se fait atroce. O crois-moi qui me souviens de demain : La haute joie est douloureuse et telle Qu'en sa douleur l'âme exulte immortelle, Pleurer est doux par-dessus toutes choses ; Assieds-toi près de moi ; Quand j'ai pleuré la tête entre les mains J'ai vu, entre mes doigts, ce lent jour gris tout rose : Alors, mon âme eut foi. Et toi, ma sour qui passes, Je te sais triste aussi, bien que tu fasses, Bien que tu pares de gaîtés l'inquiétude, Bien que tu traînes aux cailloux, fleurdelisés, Les pans altiers de ta robe de prude, Ou, bien que tes lèvres soient pleines de baisers Que ta main prend et lance - ainsi qu'une pauvresse Qui, pour se croire riche, vide à poignées Aux autres mendiants sa sébile d'aumône ; Ton âme est en détresse, Fille de l'homme. Hors ta petite fièvre Jolie au gré du désir, ton miroir, Que sais-tu de ta grâce ? Si, même, elle est ? La tristesse t'a fait signe chaque soir Montrant la vie, aussi, et ce qu'elle valait, Si bien qu'en tremble un peu ta pauvre lèvre Et que ton long regard s'en est voilé. Assieds-toi là, ma sceur, et pleure : Pleurer est beau par-dessus toutes choses ; Il n'est qu'une heure, elle demeure Eternelle en métamorphoses : L'heure de pitié sainte et d'amour surhumain Qui pleure jusqu'à sourire... enfin. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Francis Vielé-Griffin (1864 - 1937) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Francis Vielé-Griffin | |||||||||
Biographie / chronologie1863 - Le 26 mai, naissance à Norfolk en Virginie, d'Egbert Ludovicus Vielé, « Bertie », quatrième enfani de Térésa Griffin et du Général Egbcrt Vielé, gouverneur militaire de la Virginie pendant la Guerre de Sécession. Bibliographie / OuvresORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE |
|||||||||