Francis Vielé-Griffin |
Mon cour murmure et chante, tour à tour, Joyeux, inconsolé ; Au détour de l'allée, J'ai cherché dans le sable tiède que je touche, Nos pas entrelacés ; Et je baise ma main pour y trouver sa bouche... Dans l'ombre, nos lys éclatants éblouissent ; Leur parfum d'un lent'geste ensorceleur m'étreint ; Lys royaux, lys d'orgueil, lys de chair et de flamme ! J'ai pris en mes deux mains une corolle ardente Et j'y plongeai mon âme ; Aspirant, les yeux clos, l'ivresse de mon songe, Jusqu'à froisser la fleur entre mes doigts crispés... Mais voici l'eau jaillie, Voici l'eau débordante, amie et familière, Et la fraîcheur de l'air... Ah ! qu'ai-je donc rêvé ? A la fontaine claire Mes mains me suis lavées... Mes mains me suis lavées... ...Et me les suis séchées au long baiser de l'air ; En un frisson soudain je me suis relevée. Mon cour s'est envolé Sur un refrain ailé ; J'avais peur de me taire : « Ame, n'es-tu cette eau débordante et chanteuse. Toujours claire et nouvelle ? Ma chanson s'y trempa les ailes Et s'ébroue et s'essore, rieuse ; Mais la langueur des lys m'éblouit et m'étreint ; Mon désir fleurit et fleure Comme les grands lys poudrés d'or ; Sur leurs lèvres sa lèvre étouffe le retrain Où chantent, parfumés, les mots qui m'ont fait peur ... Comme une main vous touche ! » Et j'en riais encore... Au tronc noueux du chêne je me suis appuyée, Deux larmes folles et vaines Roulèrent vers ma bouche... A la feuille du chêne Me les suis essuyées ! Deux larmes !... et, soudain, je me suis égayée A rêver, cceur, mon cour ! que j'étais sienne... A la feuille du chêne Me les suis essuyées ! O sourire de la lune... J'ai mordillé la feuille amère et savoureuse Qui tente et qui répugne... La nuit m'a semblé moins peureuse ; Un rayon m'a frôlé la joue, Ainsi qu'une caresse, dont la douceur dénoue Mes mains qui s'étreignaient en croix sur ma poitrine ; La brise qui fuyait, tantôt, d'un pas léger. Jusqu'au bout de l'allée où sont les orangers, Revient, lente et chargée Du lourd faix odorant qu'elle apporte mêlé A la senteur des feuilles mortes soulevées, Bruissantes sous ses pas ; Et voici qu'elle tourne et chante, et dit tout bas : « Rien n'est vain qui fut doux, Rien n'est fou qui fut tendre : Un baiser marque l'heure unique qu'il faut entendre Chanter au carillon éternel de la joie ; Et l'étreinte qui noue et fond ton corps qui ploie Au rêve impérieux que ton désir enfante Est maternelle et nuptiale et triomphante... » Beau carillon, par toi chaque jour est Dimanche, Un beau dimanche d'été ! Disais-je, et retenant mon souffle, je me penche. Je me penche pour écouter... Ce n'est pas lui ! Mon cour, en as-ru donc douté ? Non ! dans le saint silence, Sur la plus haute branche Un rossignol chantait ; Un rossignol chantait dans la nuit tard venue ; Mon âme frissonnait, silencieuse et nue ; Vers quel doux rendez-vous étais-je revenue ? J'avais fermé les yeux, la tête sur l'épaule ; J'écoutais, dans la nuit, de suprême paroles ; Les ramures, au gré de quelque brise molle, Comme des doigts, des doigts légers, me frôlent. Des doigts contre ma joue... Et mon rêve à ce point était paisible et doux Que j'étendis la main comme vers une étreinte Et, sans ouvrir les yeux, je rendais à la nuit Son long baiser d'amour : riant et intriguée, Je baisais la nuit parfumée et l'ombre aimani Rossignol, tu chantes ; Tu as le cantr bien gai... Tu as le cour si gai que ta voix en sanglote ; Bel oiseau de la joie, J'entends, en t'écoutant, les trilles de ma voix ; Ces grands arbres sur moi murmurent et chuchotent ; Les lys vertigineux m'enveloppent et me noient Du flot inépuisé sourdant de chaque bouche ; Leur parfum est si lourd qu'il pèse et qu'on le touche Vague, enlaçant mon âme nue et qui déferle Harmonieuse, autour de moi, et me soulève Jusqu'à écraser ma lèvre au parfum de leurs lèvres... Le ciel est comme bleu manteau semé de perles ; La lune, devant moi, déploie (et j'en ai mal) La transparence de sa robe nuptiale ; Oiseau, qu'il est joyeux ton tadieux poème ! Qu'il est doux d'écouter ! Mon cceur a plus de peine, Bien qu'il m'ait dit : je t'aime ! Mon carur n 'est pas le même : Mon amant m'a quittée ! Mon amant m'a laissée, interdite et rieuse, Au pied du chêne, ici, que fleurit ta chanson ; Mon amant m'a laissée, ivre encore et peuteuse De mots qui traversaient mon être en un frisson, De doux mots qu'on écoute, jamais lassée, Qui chantent dans ta voix et parlent dans les feuilles ; Il m'a laissée sans un baiser... Avec mon seul amour, grand lys que nul ne cueille ! Mon amant m'a laissée, oiseau, pour peu de chose (S'il s'était retourné, ma main se fût déclose) Mon amant m'a laissée Pour un bouton de rose, Pour un bouton de rose Que je lui refusais. |
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Francis Vielé-Griffin (1864 - 1937) |
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Portrait de Francis Vielé-Griffin | |||||||||
Biographie / chronologie1863 - Le 26 mai, naissance à Norfolk en Virginie, d'Egbert Ludovicus Vielé, « Bertie », quatrième enfani de Térésa Griffin et du Général Egbcrt Vielé, gouverneur militaire de la Virginie pendant la Guerre de Sécession. Bibliographie / OuvresORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE |
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