Francis Vielé-Griffin |
Si l'on écoute bien, Le silence est sonore comme un hymne ancien Que chanteraient des moines pour l'éternité ; Et si l'on fixe l'ombre longuement, Il y flotte de subtiles clartés Confusément ; Entends et vois ! Sans doute, c'est ton sang qui chante en toi, C'est ton sang qui scintille, Et ton illusion est ta complice : Toujours n'est-il pas de silence qui bruisse. Toujours n'est-il pas d'ombre qui ne brille. Ecoute : il chante des choses neuves ; La vie t'a mené comme un fleuve, De rive en rive, de rêve en rêve ; Le chour des bois s'apaise, écoute Les notes que ta rame égoutte Ou, si ta quille effleure la grève. Sa plainte basse, sourde et brève ; Entre les roseaux qui froufroutent, Ta proue a froissé de la soie ; Si tu sais écouter, fais route Selon la vie, au son des joies. Regarde : Il brille des fleurs de flamme ; La vie est un jardin de fée : Les fleurs sont la forme des âmes, Ses guirlandes sont des trophées ; La rose, qui meurt contre la tempe En un vain baiser sans remords, S'effeuille comme l'automne aux hampes Des peupliers, gonfanons d'or Que lacère et qu'effiloche La bataille éternelle de l'équinoxe Qui mêle, en tourbillons de corps à corps, L'haleine de la Vie au souffle de la Mort. Ecoute : la mer rugit comme un troupeau lointain, Egaré sur la grève où l'herbe amère est rare ; Un chariot sonore roule dans le matin Et trace d'un trot alerte, par delà le brouillard, La route que dérobe aux yeux de brume d'aube ; L'angélus tombe vers la mer : la ville est ça ; Marche, ce gazouillis, c'est un ruisseler proche ; Et, si tu parles haut, il revient de la roche Une voix familière qui te redit : par là ! Regarde : maintenant, la brume est rose, Elle s'émeut, se déroute ténue, Et la Nature vive, belle de toutes choses, Sourit vers l'avenir l'aurore revenue ; Prends tout de ton regard : la mer, le ciel, les roses ; Reflète de tes yeux la Beauté reconnue ; Fais ton regard crédule à des métempsycoses : Mêle-toi à la terre, au fleuve et à la nue ; Crois au rire de vivre ébloui jusqu'au doute Que tu ne sois tout le matin victorieux ; C'est l'hymne éclos de ton oreille : écoute! Regarde : c'est le rayon scintillé de tes yeux ; Bois l'ivresse des voix de l'homme, goutte à goutte, Que la gloire de voir te mêle au chour des dieux, Et, tout étant ton âme, vis en ton âme, toute ! |
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Francis Vielé-Griffin (1864 - 1937) |
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Portrait de Francis Vielé-Griffin | |||||||||
Biographie / chronologie1863 - Le 26 mai, naissance à Norfolk en Virginie, d'Egbert Ludovicus Vielé, « Bertie », quatrième enfani de Térésa Griffin et du Général Egbcrt Vielé, gouverneur militaire de la Virginie pendant la Guerre de Sécession. Bibliographie / OuvresORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE |
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