François Mauriac |
Je ne reconnais pas cet Atys que tu fus. Ton Dieu t'a délivré du monstre vil et tendre Dont tu n'as rien gardé que ce qu'il faut de cendre Pour recouvrir un feu qui ne s'éteindra plus. Et moi, Cybèle, autour du cour où ce feu couve. J'hésite gémissante et rôde à pas de louve. Je pleure de te voir si frêle et si puissant. Dors-tu ? L'herbe où tu dors te souille de sa sève. Un oiseau s'interrompt de chanter comme en rêve. Une cigale bat et s'accorde à ton sang. Du pays de la mer où brûlent les pinèdes Le vent du sud qui meurt dans les tilleuls flétris T'apporte le parfum du corps de Sangaris, Rivale que je hais, que j'appelle à mon aide. Pour te livrer en songe à ce que tu chéris J'ai sur toi de ce jour refermé la fournaise-Mais en vain ! Les genoux salis d'un peu de glaise. Tu te dresses, plus fort que l'été délirant Je n'eusse jamais cru qu'Atys était si grand ! L'Inconnu qui l'habite a, pour se rendre maître Du doux serpent lové dans le repli d'un être. Des charmes dont Cybèle ignore le secret. De l'océan livide et des tristes forêts Ni ton sang, ni ta chair ne demeurent complices : Ton corps n'obéit plus au flux ni aux reflux, A la sève qui sourd Atys n'obéit plus. Cet enfant maigre et dur connaît d'autres délices. Un autre brisement, une meilleure mort. Que la vague arrachée à l'abîme d'un corps. Au dernier jour, ces corps confondus en Cybèle . Les milliards de morts qui dorment dans la mer, Se précipiteront hors de mon flanc ouvert L'oil obscurci déjà par la nuit étemelle. Je verrai, des confins de mon dernier désert Sur la joue embrasée une adorable aurore Monter avec le sang et m'éblouir encore. Ma part d'éternité demeure avec Atys. C'est pour ne pas mourir que Cybèle éphémère Épouse étroitement vos corps ensevelis, Innombrables Atys ! Vous êtes ma poussière, Ma poussière, c'est vous qui ressusciterez. De vos cheveux naîtront d'odorantes forêts Et toujours dans vos yeux dormira ma lumière. Mes aubes, mes couchants qui rougissaient les eaux. Brûlent dans vos regards attachés sur l'Agneau. Le calme de la mer à nos cours enchaînée Se mue en cette Paix qu'il vous avait donnée. Mes fureurs qui jonchaient les plages de débris Et ce halètement de la houle marine Dont le souffle arrachait aux pins blessés des cris. De tout temps à jamais gonflent votre poitrine Lorsque, le front levé, vous contemplez le Fils. |
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François Mauriac (1885 - 1970) |
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Portrait de François Mauriac | |||||||||
Biografie / cronologieBibliographieFrançois Mauriac naît le 11 octobre 1885 dans la maison familiale du 86, rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux, fils de Jean-Paul Mauriac (1850-1887), marchand de bois merrains et propriétaire terrien dans les Landes de Gascogne, et Claire Mauriac née Coiffard, héritière d'une famille du négoce bordelais. Dernier d'une fratrie composée d'une sour aînée (Germaine née en 1878) et de trois frères (Raym |
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