François Mauriac |
Vous m'avez possédée avant votre venue. Vos mille précurseurs ont foulé mes chemins. Les ronces de mon cour griffaient leurs jambes nues Et mes branchages fous faisaient saigner leurs mains. Ils ont frayé la route, ils ont coupé les branches, Atys, pour que tes pieds ne fussent pas blessés. Mais savaient-ils que tu venais, toi, leur revanche, M'arracher plus de pleurs qu'ils n'en avaient versé ? Jusqu'en mes profondeurs où je fuis la conquête. Je ressuscite en vain ces amants d'autrefois : J'écarte des cheveux, je soulève des têtes... Mais ton silence, Atys, couvre toutes les voix. Au sable intérieur je cherche des empreintes. Tel être avait des yeux plus que les tiens ardents. Je cherche... Mais ta main force un peu son étreinte Et je n'ai plus de souffle, et je serre les dents. O tenace douceur qui sus frayer ta route Jusqu'où règne et gémit mon étemelle faim ! C'est votre jeune sang qu'au fond de moi j'écoute Comme un fleuve étranger qui retentit sans fin. Si ce ruissellement finissait dans mon être. Si tu sortais de moi par mon flanc large ouvert. Enfant de l'homme, Atys, saurais-tu reconnaître Cet informe visage et ce regard désert ? Roule dans ma ténèbre, ô fleuve de lumière. De peur qu'un dieu ne jette avec les astres morts Cette chair qui sans toi redeviendrait poussière, - Cybèle à qui le ciel est caché par ton corps ! Je cherche sur ce corps des pistes étrangères. Tu dis : « C'est le soleil qui me brûla... » Tu dis : « Ma gorge s'est offerte aux flèches de midi. Mes bras se sont meurtris en dormant sur la terre...» Mais sur ce corps plus roux qu'un désert, et plus nu, Les pistes que je suis ont d'étranges méandres. La trace y brûle encore d'un chasseur inconnu. D'un camp abandonné je reconnais les cendres. Je songe qu'une bouche, ici, mordit ton cou. Et que mon seul amour dont t'irrite la plainte Foule éternellement un corps sableux et roux. Traversant ce désert sans y laisser d'empreinte. Ton oil, trouble océan, ronge un monde meurtri. J'en gravis les méplats. J'en suis les pures lignes. Telle est ma tâche unique : interpréter les signes De ce visage clos où mon sort est écrit. Nourriture mortelle et pourtant infinie. Ce visage de lait, ce visage de sang N'est plus qu'un fruit tombé dans mes paumes unies. Qui, dévoré sans cesse, est toujours renaissant. Les constellations et les vagues brisées, Les bolides perdus que recueille la mer, Atys, rien ne vaut ta jeune face usée Ni cet oil où je bois un long baiser amer. Même en te trahissant, c'est toi que je respire. Si je dors contre un cour, il bat comme le tien. Mon soleil ne se couche pas sur ton empire : J'embrase un autre monde, et c'est toi que je tiens. J'y fuis le culte affreux que ta piété me voue Épargne-moi l'autel, les victimes, les feux... Je ne veux que ce feu d'aurore sur ta joue Et l'animal encens qui naît de tes cheveux. |
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François Mauriac (1885 - 1970) |
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Portrait de François Mauriac | |||||||||
Biografie / cronologieBibliographieFrançois Mauriac naît le 11 octobre 1885 dans la maison familiale du 86, rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux, fils de Jean-Paul Mauriac (1850-1887), marchand de bois merrains et propriétaire terrien dans les Landes de Gascogne, et Claire Mauriac née Coiffard, héritière d'une famille du négoce bordelais. Dernier d'une fratrie composée d'une sour aînée (Germaine née en 1878) et de trois frères (Raym |
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