François-Marie Arouet Voltaire |
Voltaire n'est pas seulement un classique scolaire sur lequel s'échinent des générations d'étudiants. Sa découverte ou sa reconnaissance dépassent depuis longtemps le cadre de l'école, et on le trouve encore fréquemment associé à diverses formes de réflexion et de prise de conscience. C'est dire que le rayonnement de cet écrivain hors pair n'est pas seulement d'ordre littéraire. Voltaire est certainement, avant Sartre, la première figure de l'intellectuel moderne : un écrivain « engagé », parce que ses prises de position vont sans cesse à la rencontre de l'histoire. A la différence de nos brillants modernes, son militantisme philosophique n'eut rien d'un exercice de style, et rien ne lui fut plus étranger que la tour d'ivoire. Lorsque l'émotion le prend à la gorge, lorsque l'indignation est trop forte, Voltaire descend dans l'arène et prend fait et cause pour des inconnus que l'histoire retiendra surtout grâce à lui. Il y a bien longtemps que l'auteur de Candide n'appartient plus seulement à la France. Son souvenir hante les campagnes actuelles en faveur de la tolérance et son nom est un signe de ralliement contre tous les intégrismes. En même temps, il est sans doute parmi les écrivains nationaux celui qui définit au mieux l'identité française. Il cumule les attributs d'une culture qui est, au dire des observateurs étrangers, spirituelle et gaie, viscéralement critique, un brin superficielle mais lucide, dont l'éloquence se déploie dans le bonheur d'une conversation touche-à-tout. Les qualités de son style (la promptitude du trait, la clarté, la vivacité), comme son tempérament (enjoué et sarcastique), illustrent à merveille l'esprit fiançais. Cette image stéréotypée ou mondaine peut bien être insuffisante, mais elle amuse l'imagination et entretient le mythe. Voltaire est d'abord un des grands symboles de notre mémoire culturelle, au même titre que le Louvre ou La Marseillaise. Fêter le tricentenaire de sa naissance, c'est lui témoigner une reconnaissance qui pour une fois n'arrive pas trop tard : Voltaire fut un vrai dieu de son vivant (un diable aussi), et son génie sera consacré par la République. En 1791, le transfert de ses cendres au Panthéon donna lieu à des démonstrations de liesse populaire et fut orchestrée comme un événement majeur. En 1994, la commémoration prendra simplement place dans l'espace officiel des musées et des salles d'expositions, mais il est à souhaiter que ces manifestations déplacent un public plus large que les seuls érudits... Voltaire aurait d'ailleurs goûté ces honneurs, lui qui aimait la pompe et honorait les grands hommes. Au XIXe siècle, les jugements sur Voltaire sont franchement contrastés, tous liés au « traumatisme » révolutionnaire. On est, indépendamment du contenu objectif de ses écrits, pour ou contre Voltaire. Gavroche l'a dit : « C'est la faute à Rousseau, c'est la faute à Voltaire. » Devenu un saint laïque, il s'appauvrit sous les traits d'un Homais dans Madame Bovary. Mais la violence du sentiment anti-voltairien est durable et profonde, en particulier dans les milieux catholiques. Un siècle plus tard, cette commémoration est d'abord l'occasion de reconsidérer notre rapport à l'homme et à l'ouvre. Un Voltaire en chasse un autre. Aujourd'hui précisément où il n'y a plus de Voltaire, l'homme fait incontestablement défaut. Lorsqu'on se rappelle sa réaction devant un événement aussi banal en apparence que le tremblement de terre de Lisbonne (en 1755), on se prend à songer à ce que lui aurait suggéré la guerre du Golfe ; on l'imagine déjà clamant son indignation à Sarajevo... « Ne fera-t-on jamais taire cet homme ? », aurait dit Louis XV excédé. De fait, sans doute parce que la censure et les hommes de pouvoir ont cherché sans relâche à le bâillonner, Voltaire a crié toute sa vie plus fort que les autres. Quant à l'ouvre, elle éblouit et terrasse par son volume comme par sa dispersion. Mais attention, au risque de surprendre, il faut oser affirmer qu'elle est encore largement méconnue du grand public. Sa publicité repose sur quelques titres que les manuels scolaires ont su nous imposer, au gré des collages et des découpages de l'histoire littéraire. |
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François-Marie Arouet Voltaire (1694 - 1778) |
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Portrait de François-Marie Arouet Voltaire | |||||||||
Voltaire, entre la légende et l'histoireLa vie de voltaire |
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