Jacques Izoard |
Assemblage de dents, de paille, de laine, de débris de mors noir qu'un travail exténue, de tessons. Colle et encre, ensemble, gardent l'odeur inouïe, le noud mou de l'ongle et ce que tient l'haleine: des taches de bleu sur les mots malades. Assemblage de pattes et d'allumettes, de rotules et d'objets en étain, déchets de jarres, de nerfs, anciens croûtons de pain. Haute salive où demeurent la colère injuriée, la fille, la bonne bouche. Et les lèvres sans odeur, le pouce les touche, les enduit d'un onguent aveugle. Assemblage des grains et des insectes, des oufs et des filles, des écoles et des sucres. L'oiseau, la statue malade, l'eau de pluie sur l'épaule où vit le nerf blessé achèvent l'histoire. La laque blanche dort dans l'hôpital. Assemblage des jargons et des billes quand les socs, les sources, les outils à portée de la main blessent les membres ou les branches, prennent la craie à hauteur des gencives et donnent à mon épaule un fardeau de citrons. Assemblage du gel et du courre, de la femme assise et de l'arbre mort. Le poing serre les phalanges. Têtue, la vitre. Hagard, le pâle désastre où la fille, la gencive ont la bête en elles, comme un désarroi. À présent, texte ou texte Déchets d'un plomb gris pâle. L'écriture est métallisée, plus grise encore ou corail. Décès du levier, du geste. Assemblage de la matrice et de l'encre, de la sève pour tout dire, et du bruit qui s'arrête. Assemblage des poutres et des haleines, des mains de l'un, des pieds de l'autre, des becs et des cheveux ; les loutres et les verges ont l'élan pour elles, meuvent le feu aveugle et le feu qui voit. Seront ensemble doigts et ciseaux. Assemblage des chemins et des pas, des pierres pillées, des fruits volés. Bruits d'épines ou d'armes blanches quand cesse tout frisson sous la cagoule, sous la paupière. Fracas de griffes et de tonneaux. Les vêtements perdus, en leur souffle, en leur silence, cachent des gaines, des aisselles. Assemblage du mot «langue» et de l'organe lui-même, dont la sourde ablation demeure incertaine. Rien n'arrache l'haleine. Et l'odeur du givre, cette maison l'enfouit dans le sel ou l'armoire, dans les vêtements usés du père et du fils. Assemblage des muscles, des papiers, des goûts et des gels, des laines que l'oil choisit, des herbes à la vie facile. Assemblage de la jambe et de l'aine où la main contient le corps, la légende. Un oil de papier dort dans l'oil. L'encre est le corps dont on sait le chemin, dont le bleu dit l'absence. Ici naît le vin que la neige arrondit que ma parole emporte en saccage infini. La maison n'est pas la bouche : pourtant les dents cassent comme verre. Voici d'autres denrées : guêpes, lorgnons, papiers, ancien gel de pommes, odeur de puits qui rôde. Le sang en poudre serre le poignet. Les femmes frottent l'acajou étouffé. Les voisins perdent la langue. Je vole le sommeil du tambour, de la chèvre. Combien de doigts les mains ont-elles ? Les bras tombent quand le jour s'éveille. Épaule au nom d'épaule, épaule où se cache le sang pour dormir, la fille te touche et te voilà semblable à l'épaule du vin que le sommeil brise. Habiter en soi-même demande patience et clarté. Où sont les vins, les vêtements? De quelle pluie attendre bonté de fille, de voyage ? Demeure allongé, demeure, couvert d'empreintes, de traces, comme un fardeau léger dans ton sommeil de verre. Déjà nous attendons juin, et que les rixes craquent, ensoleillées comme tant d'autres appareils du corps: les yeux dans leurs loges, gloutons et sereins, les dents d'aix, les sûres traces de doigts sur la jambe, entre les cuisses bleues-belles, longues du feu tapi. Éclate le verre : sourds et bègues, les arbres et les donjons où dort le pantin sûr de son venin ; nulle masse n'est morte. Déjà les filles les plus lentes prennent d'assaut la chambre De temps en temps hurle un train de voyageurs. À ce qu'on dit je préfère ce qu'on ne dit pas : calebasse sans vergogne: cette chambre oscille. Les doigts mis à l'épreuve; rouet blanc de la main enroulée, va et vient l'allongée ; dans le poing s'engouffrent les nerfs du jardin. Pétrie, la rose embellit mon odeur, pétrifie prunelles et jambes et déjà la voix longe la voix, la voix perd ses ongles. Les lilas, les nerfs la main les touche; la maison dans le poing serre les vieux habits. A présent, l'embellie, la jambe exacte. Et tu respires sans y penser. Les revêtent, les aiment. Le sang imbibe chacun d'eux. Chacun d'eux loge l'autre quand dort la voix, quand le verre mince arrondit l'oil, caresse le camarade. Tu demeures vigoureux quand les dents mordent la vitesse nouvelle des têtards nombreux, des pâleurs d'oxygène. Ah ! Tu perds l'ouïe, tu plonges dans ta main (souvenir d'ivraie, de suc !). Voici l'eau mûrie, la verte innocence, et laisse le corps assembler la neige ! .. et dans la vieillesse, et pâle. De temps à autre un mot plus bleu, comme vide, et qui veut dire le sang léger à la tête, ou le froid très clair qui saisit l'haleine et brise le coude... et, parlant bas, parlant très bas, les vitriers de lin. ... et le pouvoir des muscles engrange la chaleur dont tu sais la bonté. Dans toute la pupille elle verra le pays, les outils, les merveilles. Mais ne dis pas le nom des os et des vallées. Garde pour toi la longueur déchirée de la main sur la jambe. ... du corps joint à celui qui part, qui revient vers lui-même ou qui s'endort croyant voir les objets, les muscles, les petites maisons serrées l'une dans l'autre, ou les doigts fidèles qu'on oublie, qu'on jette loin de soi... Dans ta vision, l'encrier bleuit pupille et paupière, chats d'Espagne. Tel opticien de papier sourd frappe la main, ferme la fenêtre. Tu traverses l'obscurité où l'oil meurt au centuple. Sois toi-même pantin : touche la très sainte glaise, offre à qui t'aime doigts ou coquilles. Il faudra caresser torse et jambes. Arrondis le sang, la sève et bois cidre en Espagne dès que l'ombre est fragile, dès que monte à la tête l'odeur de bleu moulin. Les marchands d'almanachs sont amis des merciers : c'était à Liège en 1602. Boiseries croulent et tout n'est que poussière; pousse en avant les bras : le noir te mange et c'est l'hiver, l'enfance à facettes. Tu es de bon renom : l'odeur des pommes te plaît, tu caresses l'âtre et la vitre... Afin d'obtenir douceur tu parles à voix basse. La maison où tu loges est fourrée de papier : tu dois t'en souvenir : fabrique seaux et bouteilles, dors, tu dors, meunier de vin, pouce du pont des Arches. Corps disloqué puisque nerfs disent nerfs, jambes, jambes. Corporation bleue des citrons, des touches volées, des sucreries. A-t-on donc sucé le sang des merciers ? Obéis à l'agneau. Celui qui vend du cuir ne peut qu'être benoît. Quand le bras dort, la jambe allonge le sang, la cheville s'appelle Mathilde, coupe le sommeil. Le pied court. Plus que jamais le pouce est fourbe et gourd. Si l'épaule t'appartient, lève le bras : main, te voici transparente dans le commerce du sommeil. Chaque empreinte est, sur la langue, tampon sourd de salive. Sois sommeil enseveli, sois enfant très mince ou feu jaloux : maison vole ou réveille le pouls pâle et glacé. C'est l'Amblève qui parle et le moulin qui rit : le corps fait boule, rondeur de sud, se coule en la clarté d'un voleur aveugle. À bec pointu, langue dodue. J'ai, dans mes longs poils, un objet de ténèbres, la douille de l'oil. Mes griffes, mes lèvres ont la douceur obscure, ont la douleur aiguë du miel, du dard. Les femmes frottent les coqs, les gens couchés dans l'herbe. Sûr disciple du citron, cède à l'ouf ta rondeur, enseigne aux tambours le cri du coq. Et le village et l'épaule vivent en commun. J'étais sur le point d'être nerf, vacarme. Attends : la voix replie ses ailes, dort de tous ses a, fait la jatte engourdie, le héron sur un pied. Mai, comme l'hiver, sans grave courroux, prend les vitres, les gares. Avons-nous serré filets et tas de noix dans les greniers ? C'était, vous dis-je, la liqueur pâle à la bouche, qui amincit le corps. Faits observés : chemin de mains et de papiers, va-et-vient de pupille, de doigts le long de doigts, fontaine dont on ne boit ni l'herbe, ni la langue (y passe le feu glacé des cerises, des sifflets !). La maison d'aujourd'hui contient le sang aveugle. Profusion de pattes : voici l'herbe arrachée; le patient s'affaiblit dès que l'aveugle entre dans la maison menue. Projette salive. Nomme avalanche d'haleine ou pression de pouce. Quel vaincu saisit la soie métallique entre les paupières ? Plan d'attaque : verre ou casse-cascade, enfin, les merveilles, les monts dont nous sommes les gardiens, les sauveurs débonnaires. Et c'est la lutte : cherche à saisir la jambe dont le sang pèse lourd dès qu'on abolit la main livrée au rêve. Sourd, tu respires mieux. Tu fais face au sarcasme des cheveux et des lèvres. Paralyse l'eau : tu seras sans outils, sans demeure blanchie, sans liens autour du bras. Tire l'arbre à tâtons vers le ventre où tu dors. Les mots sont mécaniques. Le vin, dans sa victime, s'empare du poing, visite l'estomac pâle et la maison des guêpes. Donne à ce conseil le juste équilibre: l'embellie, la foudre seront sours. Et tu veux toucher les objets cousus, les pelotes dont les épingles ont des dents de hiboux. Tu ne peux connaître l'étendue du pays : ferme l'épaule hâtive, serre l'oil dans son habit. Retrouve en ton sommeil mille poings, mille pattes. La femme naïve étreint le garçon qui ne peut courir : sors la langue, donne au premier venu les yeux, les mains, les jambes L'embuscade est tendue au-delà du genou. Enveloppe à bon escient la bête en sa vigueur. " ... et la langue y persiste, y pose douceur vaine, tandis qu'au pressoir, dans le jardin de chaux, les ouvriers savent ce qu'il faut de travail, de cris, de halètements, de mouvements sans fin. Qu'adviendra-t-il des jarrets et des coudes, des vêtements usés, des faucilles dont l'odeur déchire la vitre du papier? De jambe en jambe, jambe d'ivoire ou de bois, jambe de sel ou de Jean, jambe de peau de bête. Tiens la jambe et caresse le pied bleu ou bot. Qu'est-ce qu'un soulier? Le lieu où le corps perd l'espace, où le talon de verre, d'un coup à la tempe, tue Cendrillon. Outils et pains, coquilles sont partout dans la salle. On dirait un pays noir du souffle des oiseaux. La serpe à l'affût ne craint pas la chèvre. Tonneau qui roule perd paroles et citrons. Goût du goût sans bleu, goût de la veine, de l'haleine dont tu es léger, frère sourd du feu. La main dort en elle-même. Elle touche, ce jour-ci, genoux et cadenas, ou chêne. Tu ne sais pourquoi tu as le mot judo à la bouche. ... doit boire la lie. Si la jambe a sommeil, mille points de rouille pillent le corps entier. Il pleut à verse: gueux sont les doigts. Hébété, tu cours, car les couteaux tirés sont posés sur la table Herse blesse. Féminin, tu parles : c'est le décès du chanvre, dès que tu tiens à la main tel jouet au sang gelé. Tu casses le papier liquide. Par temps chaud, tu meurs. C'est une bleue. Tu la voyais sur la langue tenir chaque doigt, chaque objet. Tu la voyais dans l'oil garder bonne contenance. Adieu paniers, poitrails, gens de sabots et de bouteilles ! Toi, tu te tais : tu es blanc comme une Agnès. Accord des oiseaux et des arbres sous les tambours nus ou sourds. Accord des cours et des herbes, quand le rêve des enfants devient un puits sans fond. Accord de la jambe et du sexe, dès que sont criards les porcs, les poulies, les voix. Accord sous l'eau noire. Accord sous l'enclume. Quelques morceaux d'enfants sont dans la noce rebelle des soldats qui ne meurent pas. Abus glouton des poings qu'on serre et qu'on écrase ! Nain cousu, je respire dans le tambour sans portes, dans l'eau allongée. Chacun parle à l'autre du temps passé, des ouailles, du pouce gelé, de juin. Vivat ! Vivat ! Vois en toi-même : l'autre bras t'entoure ou te passe corde à la jambe. Et tu ris d'avoir volé le sang du voisin. Te voici long ou bleu : fête, en ce coude, le bras, l'avant-bras. Le territoire allongé (ou qui s'allonge) est fleuve ou cité: les poings dans les poings hissent étendards et renards, cris empaillés, fracas de rhum. Dort dans mon oreille celui qui fait le sourd. En la ronde ardeur tu fais le sourd ou le muet. Crains-tu l'approche de la main, de la jambe ? Le corps grossit dans l'eau, coupe le pouce étiré, donne au pauvre sabot brassée de ligaments, pas perdus de papier. Housse où vit le corps : l'aveugle en bleu n'y voit personne. Nul voleur n'y vole un peu de sang. Nul toucheur d'épaule n'y cherche un amandier. Qui j'ignore mesure la longueur du pouce et de la jambe. Mais la langue fait coquille près du cour, près du poing. Dit : en ce temps-ci, la main ne tient outil que par méprise. Récit : haillons dans le sel, amis coiffés de petits ânes, tels sont pensers d'ici. Constat: chef du vignoble ou du corps très blanc... L'aisselle où tu vis, la main la creuse, y fait pelote ou soleil. Étendue du corps par où l'on regarde : ainsi l'oil, petit appareil, fait patte à tout venant, lèche le bout du feu, l'extrémité de la jambe, ou la langue qui appartient à ma langue, laquelle est dans la langue du gel. Tire vers toi l'échelle, oublie le nom des doigts, l'oil-index, l'oil-pouce, enveloppe de bordeaux tout le métal des ormes. Langue brûle. Petits os de main sont en petits morceaux. Jambe est séparée du corps. Poing serre poing. Doigt droit touche pouce; au pays nerveux, on pille déjà. ... j'attendais que la main soit chèvre encore, ou touffe de mimosa dans les yeux. Ma fille fait bien de se tenir tranquille : et ses cuisses et ses coudes attachent le corps. Et voici la langue, élève humide et dodue, court chemin des dents à la racine. Corps de logis : rouge à l'aisselle. Au creux du genou dort la tache d'encre. J-es marchands avaleurs de bêtes ou de sonnailles te poursuivent, alléchés. Et voici qu'un grand couturier me prend par la jambe et me conduit vers les noix entassées dans la chambre. Y a-t-il déjà, dans ce sac, les outils amoureux de rouille, les roues dentées, les flacons ? Longe de la main l'anorak bleu, le moteur. Nous parlons, Hélène, d'un parfum cousu, d'une aumône. La main droite est la main de la main gauche, comme l'oil gauche est le voisin de l'oil droit. Voleur, tu caches l'oil central. L'oil ovale n'est pas l'amande qu'on serre entre les dents. Herbe où les nains cherchent ma jambe. Herbe où les nains cherchent mon cour. La faux coupe en quatre le trèfle et le thym. La montagne est belle dans l'oil de Nalôn : cinq doigts caressent une lampe de mineur. La rivière arrondit cailloux et remous. Je me servais des bras pour franchir l'orifice et clouer au papier les plumes, les épingles. On demande la faveur de mourir, de détruire l'amande en fusion, l'oil écarlate. Tous les objets cuits, les fouloirs du peuple. Est ou se tait. Demeure volé, caché, sous on ne sait quoi. On tient en vie comme par. Et déjà le froid, déjà les mains, les jambes abondent. Enfant coupé du nord au sud, voici tes bras vus de l'intérieur. Tel juin, le laitier meurt et les passants verts attendent la venue des jacinthes, des tambours. Aurait-on pu penser cela ? Ouvert, le corps entre en respiration lente et sûre. Elle a raison de s'éloigner, l'haleine. Elle est dame légère, on ne la voit jamais voiler la cécité des guêpes. Dans l'ongle où jacassent l'oiseau menu, le feu plié, se cache aussi le dé à coudre. Cesse de couper le fil de laine. Cesse de limer l'oil : maints plumages caressent le regard nègre. |
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Jacques Izoard (1936 - 2008) |
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Portrait de Jacques Izoard | |||||||||
BiographieLe 29 mai 1936 naissance de Jacques Delmotte à Liège, dans le quartier populaire de Sainte-Marguerite. Son père est instituteur, sa mère professeur de dessin. Il aura une sour (Francine, née en 1940) et un frère (Jean-Pierre, né en 1945). Ancêtres rhénans, dont on se transmet en famille de lointaines citations. RepÈres bibliographiquesOUVRES DE JACQUES IZOARD |
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