Jacques Izoard |
J'appris le métier des mains, le métier de la langue et du bras. Hurle bleu, voleur de sosies ! Dans la bouche, le pal est bâton de douceur, neige. Querelle du givre et du sureau ! Les ennemis morts ressuscitent; jette au feu vêtements, poignards, songe au moulin aux écorces, à la paix d'Angleur de l'an 1313. Mes petits merciers, mes corsaires. Que ne puis-je aller, venir, proposer la vente et le labeur ! Me voici marchand d'angelots, de cheveux, de menus pieds coupés. Le corps est l'épicerie. J'incendie la maison des noix. Je n'incendie qu'un rêve. Caresse un marchand d'aiguilles. Un marchand de fil coud les lèvres du fils. Cité d'escale et de négoce. L'un vit dans le talon, l'autre fait de l'épaule un cocon de tendresse. Et meurt le dieu chapelier. Qui vend boutons de col, épingles ? Qui vend muscles, nerfs, papiers ? Vendre, c'est donner. Un saumon sans estafilade nage ici, près du cour. Cent maisons minuscules offrent gîte et couvert. Je vis en chacune d'elles, cousant les damas bleus, les sacs de liards et de sequins. Dans la taverne où logent porte-paniers et autres compagnons, dans le poing de Liège, un seul carnaval surgit: voici les sans-vêtements, les bons gueux d'Outremeuse, voleurs d'ombre et d'odeur. Cri du perron provoque la colère des merciers. L'herbe anonyme attente à la vie du coureur. Michel au petit poing serre un coq minuscule. C'est le début du bleu envahissant la chambre: le premier dormeur déshabille l'autre dormeur mort. Les dix coureurs affûtent le dard de la vitesse. Le visage d'autrui étouffe mon hélice de papier. Bris de squelette et carapaces, fragments d'étoffe et de peau, poudre à canon, teintures... Échangeons nos objets de mil, nos ongles et nos haleines. Tu es la petite maison de ma langue amoureuse. Et je cherche avec toi la menthe au cour fragile. Coureur sans sueur et coureur sans course. Dans le poing du lilas, les enfants s'étreignent. Je dors sans mourir, car la vie est courte : il faut cacher la faux dès que l'herbe pousse, dès qu'un peu de bleu touche la tempe du voyeur. Ne dépense ni denier, ni maille. Et court toujours l'écolier nu. Au jardin marié, les délices. Main-d'ouvre d'argile et de glu. Les serruriers casqués visitent dés à coudre et nids d'oiseaux. Nos mots de passe annoncent l'abolition des infamies. Vérifions poids et mesures. Quelques nains, sur les remparts, jouent à devenir grands. Et tu grandis dans l'herbe, et l'herbe est ta chemise. Et les merciers d'hiver au marché font fortune. J'achète, à Adam des champs, ton cour, ta silhouette. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Jacques Izoard (1936 - 2008) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Jacques Izoard | |||||||||
BiographieLe 29 mai 1936 naissance de Jacques Delmotte à Liège, dans le quartier populaire de Sainte-Marguerite. Son père est instituteur, sa mère professeur de dessin. Il aura une sour (Francine, née en 1940) et un frère (Jean-Pierre, né en 1945). Ancêtres rhénans, dont on se transmet en famille de lointaines citations. RepÈres bibliographiquesOUVRES DE JACQUES IZOARD |
|||||||||