Jean de Bosschère |
... Souvent dans la crevasse d'un nuage sur l'ourlet d'une vague de la mer dans le manteau d'une phrase zoologique paraît, vêtu d'un faste d'orfèvrerie le Caïman, le crocodile voracité sur l'ourlet d'une vague de la mer La surprise prendra les traits de la terreur quand la bête émergera dans ses miroirs Le voyageur de l'air et de la mer ignore que le caïman peut ouvrir une gueule tapissée de viande crue et de maints tridents le caïman, dis-je, et cela détruit l'énigme sur l'ourlet d'une vague de la mer Or, chaque poème n'est pas un caïman pour lui l'athlète revêt d'autres armures le poème est un gouffre de mots insatiable tu les essaieras tous en accords et oppositions feu et glace, lumineux et obstrués de rocs Tu ne lui imposeras pas un nom qu'il ne vomisse avec mépris sur tes vocabulaires un caïman fort bien, mais un poème qui embrase et déçoit chaque créneau sur l'ourlet d'une vague de la mer Et pourtant, ils avaient humblement exigé de moi des squelettes et des charpentes qui dissent enfin de propositions droites et arc-boutées ce que c'était, tel poème sans origine ni famille révélé aux saints bénis inclus au nouvel âge surgi sur l'ourlet d'une vague de la mer Ils m'accordaient crédits éternels ma dette était leurs vies déracinées je leur devais identité, régime et poésie Sainte Mentepolle et Saint Logogure chères âmes de marmottes timides que j'avais tirées d'un vieux siècle de voûtes gothiques et de phylactères de fleurons, de moines et d'images je leur avais donné une promesse plus lourde qu'élever sans pharaons une pyramide un soir qu'ondulait une phrase de musique sur l'ourlet d'une vague de la mer Il leur fut transmis, aux mirlitons et grimauds que le paria obscur de sa ténèbre avait promis de dévoiler ce monstre de symphonie pensée le poème qui n'est pas un caïman exotique ce qu'est le poème, ultime épreuve du miracle qu'envie aux hommes le Seigneur Armés de flèches, de silex et de chaînes grimauds et mirlitons, avides d'aubaines surprendraient le secret de celui qui croit encore croit que la lésine n'a pas vaincu la poésie la bêtise paradoxale n'a pas dévoré la poésie qui croit comme vierge candide aux légendes sur l'ourlet d'une vague de la mer Et je vous promis ce qui serait votre mythe mais vous lisez mal, épelez par saccades Ce qui de jalousie farde le front des dieux c'est le poème c'est le geste des bras du Géant paria proscrit des loges, des cuisines, des offices et de la bêtise paradoxale Ce qui enténèbre d'envie les dieux ignorants les dieux dont les images sont les derniers miroirs c'est le poème à l'agonie déjà quand je prends les ciseaux et le calame Un poème, c'est vous Locuste et Madeleine quand vous récoltez un fossile sur le sable ou charmez de vos candeurs le dauphin sur l'ourlet d'une vague de la mer C'est la vacuité terrifiante et la falaise et cela ne cesse de commencer puis on voit tout ce que l'on pense c'est un poème, globules incandescents Une petite obole, et le voilà le voilà qui d'un bond envahit la suprême chapelle du cour une petite obole, une autruche une liane, une procession broutant des rêves sur l'ourlet d'une vague de la mer Mais une autruche cela eût duré cela vit d'opérations et de mécanismes non, l'autruche est là-bas cela vit et ne pourrit pas en un jour Avec ce nom que j'écris plusieurs dynasties d'autruches, de bêtes chimériques affranchies des calendriers et des pitances toutes les dynasties inconnues ondulent sur l'ourlet d'une vague de la mer Tu vois l'invisible sans poids à travers l'antilope et la grenade et d'ailleurs l'univers comblé du visible ne laisse plus aucune bulle d'espace pour tes gazelles et tes fruits insolites et tu cherches un refuge te soustrais à l'envahissement douloureux c'est le poème Et le Seigneur envie mes antennes qui libèrent pour vous mon sang de mots Madeleine et Locuste sur l'ourlet d'une vague de la mer Octobre 1948 |
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Jean de Bosschère (1878 - 1953) |
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Portrait de Jean de Bosschère | |||||||||
BiographieAu début de 1915, Boschère quitte la Belgique occupée pour Londres, où il lie son sort à celui des Imagistes anglo-américains : The Closed Door (1917) et Job le Pauvre (1922), parus à Londres, obéissent aux préceptes de la nouvelle école, mais disent surtout la découverte de la révolte comme progrès spirituel. Après avoir voyagé en Italie, Boschère s'installe à Paris, où paraît, en 1927, Marthe et Chronologie jean de boschere1878 - Naissance à Uccle, près de Bruxelles, de Jean de Boschère. 1884-1894 - La famille s'installe à Lierre dans la Campinc, époque de laquelle Boschère tirera l'un de ses grands romans : Marthe et l'Enragé. 1894 - Installation à Anvers et entrée à l'Académie des beaux-arts, en 1898. 1900-1905 - Premiers voyages à Paris. 1905-1909 - Publication d'une série d'ouvrages s Boschere vu par...« C'est la vie soufrée de la conscience qui remonte au jour avec ses lumignons et ses étoiles, ses tanières, son firmament, avec la vivacité d'un pur désir, avec son appel à une mort constante avoisinant la membrane de la résurrection. Jean de Boschère m'a fait. Je veux dire qu'il m'a montré combien lui et moi nous nous ressemblions et nous étions proches, et cette preuve au moment où je suis m'es Bibliographie des oeuvres poÉtiquesBéâle-Gryne, L'Occident, 1909. Traduction en russe par M. Vezélov-sky, éditions Lazare Stoliar, Moscou, 1914. The Closed Door, édition bilingue avec traduction anglaise par F.S. Flint, préface de May Sinclair, John I.ane. I.ondres, 1917. |
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