Jean de Bosschère |
Cent années dans le bloc opaque je fus le voisin d'un oil de cheval. L'univers suspendu abolissait nos temps, la parole avait été réduite sur l'enclume de la mort, et n'était plus qu'une spirale de vaste mollusque ; le froid incrustait aux nuages les passages d'oies, la multiplication des soupirs s'était vulcanisée. L'immobilité arrêtait le muscle et ses poulies, essaims d'abeilles pétrifiées en constellations. Immobilité ! Des chargements de musiques écartelées dans l'espace barré aveuglaient les soleils. Et cet oil immortel ouvert, poli comme un cachalot, l'épaule d'un ange ou la rotule d'un monstre. Nous étions cette grande bête traquée, cette poix de grenouilles que vous connaissez. Traquée sur la vague des myriades d'années pendant que pendant les temps que duraient les croissances d'archétypes, pendant les temps que le diamant, l'aîné des cosmogonies s'investissait d'une âme, se confondait au germe de l'unité. C'était en face de l'oil de cheval, c'était aux dégels des univers. Ce fut le péristyle de la mort où cesse la pensée d'homme articulée dans l'expérience de la chair où l'abstrait éclate dans la ceinture des sens comme un fruit ignorant ses ancêtres, une fleur surgie des cieux absolus et qui ne sera plus fécondée. Nous savions que la bête n'était pas arrivée qu'elle était encore dans le ferment des limbes et qu'elle s'éveillerait comme une éruption de sagesse, et l'oil, voisin par les myriades stratifiées, le voisin intègre au doux regard de fer, l'oil verrait enfin l'homme éternel. La bête couvait des éclosions et des débâcles dans les glaciers de sang que nous étions. Et les chargements de musiques, araignées accrochées aux visages des vieux astres, se délieraient enfin des serments de silence, s'ébroueraient comme des combats de cristal, comme des coupes alors se briseraient sur l'or du nouveau soleil. Et dans le remous de la vraie naissance j'abandonne les années et l'oil ouvert car m'accueille comme un parfum d'enfance la joie grondante de la mort. |
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Jean de Bosschère (1878 - 1953) |
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Portrait de Jean de Bosschère | |||||||||
BiographieAu début de 1915, Boschère quitte la Belgique occupée pour Londres, où il lie son sort à celui des Imagistes anglo-américains : The Closed Door (1917) et Job le Pauvre (1922), parus à Londres, obéissent aux préceptes de la nouvelle école, mais disent surtout la découverte de la révolte comme progrès spirituel. Après avoir voyagé en Italie, Boschère s'installe à Paris, où paraît, en 1927, Marthe et Chronologie jean de boschere1878 - Naissance à Uccle, près de Bruxelles, de Jean de Boschère. 1884-1894 - La famille s'installe à Lierre dans la Campinc, époque de laquelle Boschère tirera l'un de ses grands romans : Marthe et l'Enragé. 1894 - Installation à Anvers et entrée à l'Académie des beaux-arts, en 1898. 1900-1905 - Premiers voyages à Paris. 1905-1909 - Publication d'une série d'ouvrages s Boschere vu par...« C'est la vie soufrée de la conscience qui remonte au jour avec ses lumignons et ses étoiles, ses tanières, son firmament, avec la vivacité d'un pur désir, avec son appel à une mort constante avoisinant la membrane de la résurrection. Jean de Boschère m'a fait. Je veux dire qu'il m'a montré combien lui et moi nous nous ressemblions et nous étions proches, et cette preuve au moment où je suis m'es Bibliographie des oeuvres poÉtiquesBéâle-Gryne, L'Occident, 1909. Traduction en russe par M. Vezélov-sky, éditions Lazare Stoliar, Moscou, 1914. The Closed Door, édition bilingue avec traduction anglaise par F.S. Flint, préface de May Sinclair, John I.ane. I.ondres, 1917. |
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