Jean de Bosschère |
Je veux de vérité des mots jouvenceaux éternels et qu'ils ne soient jamais plus signes de chanson. Nous taillerons avec un silex sans empreintes, sans âge terrestre, d'avant les éclosions des familles de dieux et des semailles sourcilleuses. La croix antique sera abolie de nos mémoires recloses ; chacune méditera, temple sans accordailles avec la cendre. Le geste crucifié, plus bafoué par des apôtres, sera rendu à son terme terminé, enfin stable : la croix terminale, visage peint sur la dernière porte, issue de l'implacable pèlerinage dans les ronces des deux. Des signes fulminants sans voix, comme une cantate dont ne se voient que les mesures, exposeront le vol et la conjuration contre la croix et comment un bras pressé l'arracha des paysages, la croix aux confins qui n'était point défendue, arrachée du sommet de la pénultième route et toutes les pistes se brouillèrent. Mais du silex deux traits après tous les dieux, je veux de vérité des mots jouvenceaux éternels. Et chacun dans son cour célibataire comprendra l'exil de la croix dans les mers fermentées. Et chacun, solitaire, secrètement la replantera à la fin, là-bas, seule déchargée et légère dans l'abîme de l'entonnoir Seul, comme celui à qui je balbutie quand j'écris ces vers barbares, manchots. Celui qui connaît le masque et sait où sont les stigmates, pas ceux d'un incarné passager mais les plaies prophétiques du signe qui termine mais les miennes et les vôtres, plaies vénérées qui bouillent et crient sous les caillots deux traits du silex après tous les dieux, je veux de vérité des mots jouvenceaux éternels. Seul il sait qu'entre l'Amérique et les Karpathes, je porte ma tête dans un globe de verre et que seulement du globe je soulève le voile aux départs sur les routes immaculées de la mort, loin des derniers blottissements dans les marécages fertiles. Le silex d'univers hors des temps et des espaces gravera sans mots sonnants le signe, restituera pour finir la croix au bout de la route, passés dûment les aiguilles toutes et le dernier carrefour. En attendant, seul, trébuchant dans la beauté des mensonges, il faudra gagner un sursis, acheter des jours comme je jetterai un an bibelot dans les crocs du caïman, plein des glues et des levains. Je veux de vérité des mots jouvenceaux éternels. Seul Mais, capturé après le voyage ténébreux, plusieurs mains rejoindront l'ultime serrure, et, compagnon des géants exotiques au temps, nous retournerons, attendant, assis ensemble sur le fumier d'or, le front levé, offert enfin, déjà lumineux dans les flocons d'ivresse de la croix véritable, dans la vision, à la fin du combat, de la restitution que tu sais seul, et plusieurs mains tendues. |
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Jean de Bosschère (1878 - 1953) |
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Portrait de Jean de Bosschère | |||||||||
BiographieAu début de 1915, Boschère quitte la Belgique occupée pour Londres, où il lie son sort à celui des Imagistes anglo-américains : The Closed Door (1917) et Job le Pauvre (1922), parus à Londres, obéissent aux préceptes de la nouvelle école, mais disent surtout la découverte de la révolte comme progrès spirituel. Après avoir voyagé en Italie, Boschère s'installe à Paris, où paraît, en 1927, Marthe et Chronologie jean de boschere1878 - Naissance à Uccle, près de Bruxelles, de Jean de Boschère. 1884-1894 - La famille s'installe à Lierre dans la Campinc, époque de laquelle Boschère tirera l'un de ses grands romans : Marthe et l'Enragé. 1894 - Installation à Anvers et entrée à l'Académie des beaux-arts, en 1898. 1900-1905 - Premiers voyages à Paris. 1905-1909 - Publication d'une série d'ouvrages s Boschere vu par...« C'est la vie soufrée de la conscience qui remonte au jour avec ses lumignons et ses étoiles, ses tanières, son firmament, avec la vivacité d'un pur désir, avec son appel à une mort constante avoisinant la membrane de la résurrection. Jean de Boschère m'a fait. Je veux dire qu'il m'a montré combien lui et moi nous nous ressemblions et nous étions proches, et cette preuve au moment où je suis m'es Bibliographie des oeuvres poÉtiquesBéâle-Gryne, L'Occident, 1909. Traduction en russe par M. Vezélov-sky, éditions Lazare Stoliar, Moscou, 1914. The Closed Door, édition bilingue avec traduction anglaise par F.S. Flint, préface de May Sinclair, John I.ane. I.ondres, 1917. |
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