Jean de Bosschère |
Souvent quand il éclôt du songe et du sommeil dans sa cellule amène et charitable avec sur la chaux blanche ce crucifix qui nous connaît, ce crucifix parlant ce signe promoteur inlassable souvent quand il s'éveille sous les étoiles Voici d'abord l'aube pour le poète épanouie l'esprit de grâce parfumée qui sait la fleur chérie des accomplissements d'hier la fleur trempée dans l'estragon de la joie les corolles de gratitude maculées de bonheur Or, le poète ne s'affronte pas encore Du linteau de sa nuit brisée de poursuites il se relève avec la noble phalange des fruits vendangés dans la nuit J'ai dit que d'abord il y a les fleurs d'hier Mais ensuite il rougit, visage rose de confusion il est dévêtu, anéanti, dans l'innocence le poème viole son âme et lui rend la dépouille de son être soustrait dans un somptueux rapt nocturne L'inspiration a pris son sang et son espace il rougit et se récuse devant l'ineffable délice c'est un humble mort que laisse au réveil le poème tout dévorant qui s'enlace aux treilles la grâce de l'harmonie qui descend des planètes le poème impérieux qui abolit les abîmes se lève dans l'aurore de ce jour sacré Puis après l'éclosion et la mort à l'issue du songe et du sommeil qui passera le premier sous la voûte qui sera le plus fort à l'aurore ou le petit mignon élu ce jour-ci ou le poème qui de lui-même a dépouillé l'élu Souvent il s'éveille dans les délices les foudres de voir et d'entendre le possédé dépouillé ordonne alors l'extraction douloureuse du miraculeux puisque l'ouf fécondé dans la nuit fut déposé dans son sein qui triomphera Et jamais plus insondable gratitude jamais plus de flamme ne brûlent dans l'oraison de sa gratitude confondu, tremblant et tout empêché de la gloire inconnue d'avoir été le choisi de ce jour illuminé éclos du sang et du sommeil D'être requis dans son sang il frémit et exulte, couronne des couronnes la pensée de mélodie envahit l'univers le poète a lieu dans le même bûcher que le poème Et quand il entre dans l'ouf igné maison des serpents et colombes de la poésie il ramasse les mots ouvrés, justes que charrie le flot de l'inspiration comme un étranger fait le larcin d'un trésor surgi d'une terre interdite comme une jeune fille du faîte de ses pensées regarde en plein zénith de midi les fantômes de sa confiance Le poème est vaincu, lié de mots cloué comme un tiercelet témoin sur la porte ensoleillée de la grange Il accueille la gloire dans le filet des images congres, requins et gymnotes électriques et l'albatros maître de poésie Dix heures fait tourner lentement une page du livre des jours le destin du poème est gravé pour les temps et marqué d'une larme de sang, sceau indélébile esclave, sang ténébreux aux roues de l'âme Le poète quitte comme un voleur qui a ramassé une bourse ou un baiser pas à pas avec une onctueuse prudence il emporte soucieux et plein de soins cette urne prêtée, comblée de dons où immergent les oufs et les germes les embryons et les adultes de l'aventure éclose du songe et du sommeil Du poète a surgi la spirale du poème qui n'est à personne ni sa propriété qui envahit son ciel et ses sites et n'est plus que sa chair dévorée De nouvelles ondes d'ivresse se refusent comme un hérisson s'arc-boute en veto les dernières abeilles du poème nocturne retombent dans le miel du bonheur |
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Jean de Bosschère (1878 - 1953) |
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Portrait de Jean de Bosschère | |||||||||
BiographieAu début de 1915, Boschère quitte la Belgique occupée pour Londres, où il lie son sort à celui des Imagistes anglo-américains : The Closed Door (1917) et Job le Pauvre (1922), parus à Londres, obéissent aux préceptes de la nouvelle école, mais disent surtout la découverte de la révolte comme progrès spirituel. Après avoir voyagé en Italie, Boschère s'installe à Paris, où paraît, en 1927, Marthe et Chronologie jean de boschere1878 - Naissance à Uccle, près de Bruxelles, de Jean de Boschère. 1884-1894 - La famille s'installe à Lierre dans la Campinc, époque de laquelle Boschère tirera l'un de ses grands romans : Marthe et l'Enragé. 1894 - Installation à Anvers et entrée à l'Académie des beaux-arts, en 1898. 1900-1905 - Premiers voyages à Paris. 1905-1909 - Publication d'une série d'ouvrages s Boschere vu par...« C'est la vie soufrée de la conscience qui remonte au jour avec ses lumignons et ses étoiles, ses tanières, son firmament, avec la vivacité d'un pur désir, avec son appel à une mort constante avoisinant la membrane de la résurrection. Jean de Boschère m'a fait. Je veux dire qu'il m'a montré combien lui et moi nous nous ressemblions et nous étions proches, et cette preuve au moment où je suis m'es Bibliographie des oeuvres poÉtiquesBéâle-Gryne, L'Occident, 1909. Traduction en russe par M. Vezélov-sky, éditions Lazare Stoliar, Moscou, 1914. The Closed Door, édition bilingue avec traduction anglaise par F.S. Flint, préface de May Sinclair, John I.ane. I.ondres, 1917. |
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