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Jean de Bosschère



Serpent aux lèvres pourpres - Poéme


Poéme / Poémes d'Jean de Bosschère





Jeûne, oscillations d'ébène et d'or

vois ici les syncopes de sable brûlant

et au verso la sphère des illuminations

l'aube et la diane du matin

et le soir le de profundis de velours noir

oscillation entre l'aube et le crépuscule

et sonne alors pour les élus préposés aux flambeaux

aux lyres qui précèdent l'avènement des visions

Et sonne alors
Pontchicala !



Baramoutraba et
Baramoutrabi

vous n'entendez rien, ni moi

je ne comprendrai plus demain

car l'appel éveille quelqu'un

que je ne connaîtrai plus demain

Renaître avec toutes les aubes

inconnu candide sans passé

Chaque fois que tu répétés un
Christ, un démon

un temps, un blasphème, une mimique

tu balafres ton ange d'ignorance propice

Mais n'ignores pas une rencontre d'inconnues

une inopinée germination privée d'ancêtres

Pontchicala !
Baramoutraba !

c'est les propositions de mon alarme

qui ont soulevé mon cheval barbare

toujours en aval, traceur de pistes neuves

renâclant aux venelles et aux communs sillages



Il ne te suffit pas d'être dépouillé

une main tendue t'arracherait à tes abandons

il faut que tu connaisses la mort de l'exilé

et sois prêt à l'ineffable décision

de te renier

Je dirai d'abord mes ablations et mon jeûne tu éviteras à ta pensée une voie parallèle connaissant les traces de mon itinéraire tu sauras ne pas seulement suivre mon dessein celui du proscrit âgé de sept fois dix années

Le jeûne c'est mon épreuve de nuit lumineuse la solitude ne doit pas me dessiller pendant que la nuit m'allaite d'amertume que le serpent du jeûne aux lèvres pourpres fait son repas de mes entrailles glacées
Pendant le jeûne confondu dans la lumière je prends les causes de l'innocence condamnée des embryons que châtrent les damnations



Vous avez compris que j'interdis les envahissements

brise le col aux méditations

m'évertue comme
Hercule

comme un maître de balistique et de pneumatique

je surveille comme un molosse de garde

l'huis de pénétration de ma cervelle

C'est le combat qui dans l'abstinence consume les questions

la continence qui intercepte tous les problèmes

et ce remous en révolte est l'huile bouillante

de mon vaste chaudron de jeûneur

et dans cette ébulition naît et croît

de ma torture la sérénité



Dans ce miel poivré de la suavité

ce n'est pas intégralement ni chastement jeûner

ni de parois opaques dissimuler aux jaloux

tout mon vide sidéral

et tout mon corps tendu dans la science du mort

c'est le jeûne blanc de glace bleue

puis invisible, sans traits ni couleurs.

Résorber les torrents de pensées

confondre les plages où je danse

sur la corde folle de la faim

corde folle du vertige de la faim

où sans voix je chante absence

sous mon crâne délirant brodé de lucioles

Mais je ne prends aucune licence

pendant que passe dans mes entrailles

les vertèbres interminables de l'iguanodon

dans la faim géologique immémorable

je ne m'arroge aucun privilège ni fief

et je porte ma charge comme le maçon et le tisserand

Or, le jeûne provoque des ennemis oisifs et dilettantes



Qui oserait attaquer

Qui oserait pourtant attaquer d'un rire ce fuseau d'os

cet anachorète, ce joaillier de la maigreur

ce sybarite muet des continences

Donc après les combats notoires

c'est la visite au jeûneur dans les voiles du coma

des peaux douces, des souvenirs et tentations

qui se cachent sous leur peau de sévérité

le goût capillaire de la sève d'abricot

toute une
Grèce d'hydromel



le parfum de la clématite blanche

suicide dans les bras

et le parfum de la clématite blanche

Puis toute la propriété propre de l'univers globe entre la bûche vespérale de la solitude et la lampe qui élève la forteresse d'un cône d'or
Mon jeûne brave encore les phares et toute la floriculture du coucher du soleil qui me cherche dans les langes de mes syncopes



Ai-je dit le plus insidieux des adversaires ?

sans évoquer les plus mièvres, les personnages postés

sur une route de siècles

fossiles, hommes, protozoaires, phalènes

ni mon avide ambition

de suivre les évolutions toxiques de ma faim

C'est le
Tentateur vorace qui connaît les voies

enfant des hommes et luxe de leurs paniques

Le plus insidieux me tend une main

que n'ont pas les autres princes

et vous devinez qu'il m'invite à la sombre descente

la descente dans l'authentique ivresse des ténèbres

à une descente d'affamés aux enfers

là où tout bien est explicitement compté

il y a des paroles, des musiques, des insignes

grandis dans les flammes

et de cela aussi il faut jeûner



Mais que la famine, enfantement de morts arrache à mon jeûne son nimbe je palpiterai encore sur le
Rien
Hautes raisons d'airains et de rocs



qui lentement instaurent mon dieu

dans le mépris des proverbes d'hommes

dogmes et doctrines refusés

pendant que dans la fosse gigantesque du ventre

s'épurent les vérités

par les jeûnes illuminants



8 janvier 1949

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Jean de Bosschère
(1878 - 1953)
 
  Jean de Bosschère - Portrait  
 
Portrait de Jean de Bosschère

Biographie

Au début de 1915, Boschère quitte la Belgique occupée pour Londres, où il lie son sort à celui des Imagistes anglo-américains : The Closed Door (1917) et Job le Pauvre (1922), parus à Londres, obéissent aux préceptes de la nouvelle école, mais disent surtout la découverte de la révolte comme progrès spirituel. Après avoir voyagé en Italie, Boschère s'installe à Paris, où paraît, en 1927, Marthe et

Chronologie jean de boschere

1878 - Naissance à Uccle, près de Bruxelles, de Jean de Boschère.
1884-1894 - La famille s'installe à Lierre dans la Campinc, époque de laquelle Boschère tirera l'un de ses grands romans : Marthe et l'Enragé.
1894 - Installation à Anvers et entrée à l'Académie des beaux-arts, en 1898.
1900-1905 - Premiers voyages à Paris.
1905-1909 - Publication d'une série d'ouvrages s

Boschere vu par...

« C'est la vie soufrée de la conscience qui remonte au jour avec ses lumignons et ses étoiles, ses tanières, son firmament, avec la vivacité d'un pur désir, avec son appel à une mort constante avoisinant la membrane de la résurrection. Jean de Boschère m'a fait. Je veux dire qu'il m'a montré combien lui et moi nous nous ressemblions et nous étions proches, et cette preuve au moment où je suis m'es

Bibliographie des oeuvres poÉtiques

Béâle-Gryne, L'Occident, 1909. Traduction en russe par M. Vezélov-sky, éditions Lazare Stoliar, Moscou, 1914.
The Closed Door, édition bilingue avec traduction anglaise par F.S. Flint, préface de May Sinclair, John I.ane. I.ondres, 1917.

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