Jean de La Fontaine |
« J'ignore l'art de bien parler, Et n'emploirai pour tout langage Que ces moments qu'on voit couler Parmi les fleurs et de l'ombrage. Là luit un soleil tout nouveau ; L'air est plus pur, le jour plus beau ; Les nuits sont douces et tranquilles ; Et ces agréables séjours Chassent le soin, hôte des villes, Et la crainte, hôtesse des Cours. Mes appâts sont les alcyons Par qui l'on voit cesser l'orage Que le souffle des passions A fait naître dans un courage ; Seule, j'arrête ses transports : La raison fait de vains efforts Pour en calmer la violence ; Et, si rien s'oppose à leur cours, C'est la douceur de mon silence, Plus que la force du discours. Mes dons ont occupé les mains D'un empereur sur tous habile, Et le plus sage des humains Vint chez moi chercher un asile ; Charles, d'un semblable dessein Se venant jeter dans mon sein, Fit voir qu'il était plus qu'un homme L'un d'eux pour mes ombrages verts A quitté l'empire de Rome, L'autre celui de l'Univers. Ils étaient las des vains projets De conquérir d'autre provinces ; Que s'ils se firent mes sujets, De mes sujets je fais des princes. Tel, égalant le sort des rois, Aristée errait autrefois Dans les vallons de Thessalie, Et tel, de mets non achetés, Vivait sous les murs d'Obalie Un amateur de mes beautés. Libre de soins, exempt d'ennuis, Il ne manquait d'aucunes choses : Il détachait les premiers fruits, Il cueillait les premières roses ; Et quand le ciel armé de vents Arrêtait le cours des torrents Et leur donnait un frein de glace Ses jardins remplis d'arbres verts Conservaient encore leur grâce, Malgré la rigueur des hivers. Je promets un bonheur pareil A qui voudra suivre mes charmes ; Leur douceur lui garde un sommeil Qui ne craindra point les alarmes. Il bornera tous ses désirs Dans le seul retour des Zéphyrs ; Et, fuyant la foule importurne, Il verra du fond de ses bois Les courtisans de la fortune Devenus esclaves des rois. J'embellis les fruits et les fleurs : Je sais parer Pomone et flore ; C'est pour moi que coulent les pleurs Qu'en se levant verse l'Aurore. Les vergers, les parcs, les jardins, De mon savoir et de mes mains Tiennent leurs grâces nonpareilles ; Là j'ai des prés, là j'ai des bois ; Et j'ai partout tant de merveilles Que l'on s'égare dans leur choix. Je donne au liquide cristal Plus de cent formes différentes, Et le mets tantôt en canal, Tantôt en beautés jaillissantes ; On le voit souvent par degrés Tomber à flots précipités ; Sur des glacis je fais qu'il roule, Et qu'il bouillonne en d'autres lieux ; Parfois il dort, parfois il coule, Et toujours il charme les yeux. Je ne finirais de longtemps Si j'exprimais toutes ces choses : On aurait plus tôt au printemps Compté les oillets et les roses. Sans m'écarter loin de ces bois, Souvenez-vous combien de fois Vous avez cherché leurs ombrages : Pourriez-vous bien m'ôter le prix, Après avoir par mes ouvrages Si souvent charmé vos esprits ? » |
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Jean de La Fontaine (1621 - 1695) |
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Portrait de Jean de La Fontaine | |||||||||
Bibliographie8 juillet 1621. Naissance et baptême de Jean de La Fontaine. (Paroisse de Château-Thierry.) Son père est Charles de La Fontaine, conseiller du roi et maître des eaux et forêts, fils de bourgeois champenois. Sa mère est Françoise Pidoux de bonne maison poitevine, veuve remariée. Biographie / OuvresJean de La Fontaine passe ses premières années à Château-Thierry dans l'hôtel particulier que ses parents, Charles de La Fontaine, Maître des Eaux et Forêts et Capitaine des Chasses du duché de Château-Thierry, et Françoise Pidoux, fille du bailli de Coulommiers, ont acheté en 1617 au moment de leur mariage. Le poète gardera cette maison jusqu'en 1676. Classée monument historique en 1886, la demeu |
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