Jean de La Fontaine |
Il est au Mogol des follets Qui font office de valets, Tiennent la maison propre, ont soin de l'équipage, Et quelquefois du jardinage. Si vous touchez à leur ouvrage, Vous gâtez tout. Un d'eux, près du Gange, autrefois, Cultivait le jardin d'un assez bon bourgeois. Il travaillait sans bruit, avait beaucoup d'adresse, Aimait le maître et la maîtresse, Et le jardin surtout. Dieu sait si les zéphyrs, Peuple ami du démon, l'assistaient dans sa tâche. Le follet, de sa part, travaillant sans relâche, Comblait ses hôtes de plaisirs. Pour plus de marques de son zèle Chez ces gens pour toujours, il se fût arrêté, Nonobstant la légèreté A ses pareils si naturelle ; Mais ses confrères les esprits Firent tant que le chef de cette république, Par caprice ou par politique, Le changea bientôt de logis. Ordre lui vient d'aller au fond de la Norvège Prendre le soin d'une maison En tout temps couverte de neige ; Et, d'Indou qu'il était, on vous le fait Lapon. Avant que de partir, l'esprit dit à ses hôtes : « On m'oblige de vous quitter : Je ne sais pas pour quelles fautes ; Mais enfin il le faut, je ne puis arrêter Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une semaine. Employez-la ; formez trois souhaits, car je puis Rendre trois souhaits accomplis : Trois sans plus. » Souhaiter, ce n'est pas une peine Étrange et nouvelle aux humains. Ceux-ci pour premier vou demandent l'abondance, Et l'abondance à pleines mains Verse en leurs coffres la finance, En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins ; Tout en crève. Comment ranger cette chevance ? Quels registres, quels soins, quel temps il leur fallut ! Tous deux sont empêchés si jamais on le fut. Les voleurs contre eux complotèrent, Les grands seigneurs leur empruntèrent, Le prince les taxa. Voilà les pauvres gens Malheureux par trop de fortune. « Otez-nous de ces biens l'aiïïuence importune, Dirent-ils l'un et l'autre ; heureux les indigents ! La pauvreté vaut mieux qu'une telle richesse. Retirez-vous, trésors, fuyez ; et toi, déesse, Mère du bon esprit, compagne du repos, Ô médiocrité, reviens vite. » A ces mots, La médiocrité revient ; on lui fait place ; Avec elle ils rentrent en grâce, Au bout de deux souhaits étant aussi chanceux Qu'ils étaient, et que sont tous ceux Qui souhaitent toujours et perdent en chimères Le temps qu'ils feraient mieux de mettre à leurs affaires. Le follet en rit avec eux. Pour profiter de sa largesse, Quand il voulut partir et qu'il fut sur le point, Ils demandèrent la sagesse : C'est un trésor qui n'embarrasse point. |
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Jean de La Fontaine (1621 - 1695) |
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Portrait de Jean de La Fontaine | |||||||||
Bibliographie8 juillet 1621. Naissance et baptême de Jean de La Fontaine. (Paroisse de Château-Thierry.) Son père est Charles de La Fontaine, conseiller du roi et maître des eaux et forêts, fils de bourgeois champenois. Sa mère est Françoise Pidoux de bonne maison poitevine, veuve remariée. Biographie / OuvresJean de La Fontaine passe ses premières années à Château-Thierry dans l'hôtel particulier que ses parents, Charles de La Fontaine, Maître des Eaux et Forêts et Capitaine des Chasses du duché de Château-Thierry, et Françoise Pidoux, fille du bailli de Coulommiers, ont acheté en 1617 au moment de leur mariage. Le poète gardera cette maison jusqu'en 1676. Classée monument historique en 1886, la demeu |
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