Jean Pierre Louis de Fontanes |
Soleil, ce fut un jour de l'année éternelle, Aux portes du chaos, Dieu s'avance et t'appelle ! Le noir chaos s'ébranle, et, de ses flancs ouverts, Tout écumant de feux, tu jaillis dans les airs. De sept rayons premiers ta tête est couronnée ; L antique nuit recule, et, par toi détrônée, Craignant de rencontrer ton oil victorieux. Te cède la moitié de l'empire des cieux. Mais quel que soit l'éclat des bords que tu fécondes, D'autres soleils, suivis d'un cortège de mondes, Sur d'autres firmaments dominent comme toi ; Et, parvenu près d'eux, à peine je te voi. Qui dira leur distance, et leur nombre, et leur masse ? En vain, de monde en monde élevant son audace, Jusqu'au dernier de tous Herschel ' voudrait monter : L'infatigable Herschel se lasse à les compter; Il voit de toutes parts, en suivant leurs orbites, De la création reculer les limites : Aussi grand que l'auteur, l'ouvrage est infini. Vers ces globes lointains qu'observa Cassini, Mortel, prends ton essor, monte par la pensée, Et cherche où du grand tout la borne fut placée. Laisse après toi Saturne, approche d'Uranus ; Tu l'as quitté, poursuis : des astres inconnus, À l'aurore, au couchant, partout sèment ta route ; Qu'à ces immensités l'immensité s'ajoute. Vois-tu ces feux lointains ? Ose y voler encor : Peut-être, ici, fermant ce vaste compas d'or Qui mesurait des cieux les campagnes profondes. L'éternel Géomètre a terminé les mondes. Atteins-les : vaine erreur ! Fais un pas : à l'instant Un nouveau lieu succède, et l'univers s'étend. Tu t'avances toujours, toujours il t'environne. Quoi ? semblable au mortel que sa force abandonne, Dieu, qui ne cesse point d'agit et d'enfanter, Eût dit : «Voici la borne où je dois m'arrêter!» Newton, qui, de ce Dieu le plus digne interprète, Montra par quelles lois se meut chaque planète, Newton n'a vu pourtant qu'un coin de l'univers ; Les cieux, même après lui, d'un voile sont couverts. Que de faits ignorés l'avenir doit y lire ! Ces astres, ces flambeaux, qu'en passant l'homme admire, À qui le Guèbre antique élevait des autels, Comme leur créateur seront-ils immortels ? Au jour marqué par lui, la comète embrasée Vient-elle réparer leur substance épuisée ? Meurent-ils comme nous ? On dit que sur sa tour, Quelquefois l'astronome, attendant leur retour, Vit, dans des régions qu'il s'étonne d'atteindre, Luire un astre nouveau, de vieux astres s'éteindre. Tout passe donc, hélas ! Ces globes inconstants Cèdent comme le nôtre à l'empire du temps ; Comme le nôtre, aussi, sans doute, ils ont vu naître Une race pensante, avide de connaître ; Ils ont eu des Pascal, des Leibniz, des Buffons. Tandis que je me perds en ces rêves profonds, Peut-être un habitant de Vénus, de Mercure, De ce globe voisin qui blanchit l'ombre obscure, Se livre à des transports aussi doux que les miens. Ah ! si nous rapprochions nos hardis entretiens ! Cherche-t-il quelquefois ce globe de la terre, Qui, dans l'espace immense, en un point se resserre ? A-t-il pu soupçonner qu'en ce séjour de pleurs Rampe un être immortel qu'ont flétri les douleurs ? Habitants inconnus de ces sphères lointaines, Sentez-vous nos besoins, nos plaisirs et nos peines ? Connaissez-vous nos arts? Dieu vous a-t-il donné Des sens moins imparfaits, un destin moins borné? Rovaumes étoiles, célestes colonies, Peut-être enfermez-vous ces esprits, ces génies, Qui, par tous les degrés de l'échelle du ciel, Montaient, suivant Platon, jusqu'au trône éternel. Si, pourtant, loin de nous, en ce vaste empyrée, Un autre genre humain peuple une autre contrée. Hommes, n'imitez pas vos frères malheureux ! En apprenant leur sort, vous gémiriez sur eux; Vos larmes mouilleraient nos fastes lamentables. Tous les siècles en deuil, l'un à l'autre semblables, Courent sans s'arrêter, foulant de toutes parts. Les trônes, les autels, les empires épars ; Et sans cesse frappés de plaintes importunes, Passent, en me contant nos longues infortunes. Vous hommes, nos égaux, puissiez-vous être, hélas ! Plus sages, plus unis, plus heureux qu'ici-bas ! |
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Jean Pierre Louis de Fontanes (1757 - 1821) |
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Portrait de Jean Pierre Louis de Fontanes | |||||||||