Jean Tardieu |
Le signal le plus précieux l'instant qui ne finira plus se trouve si l'on partage entre l'ombre et la lumière tout objet au repos mais bien peu connaissent la clé et le peintre n'est visible que dans le miroir comme s'il s'était glissé au cour des choses en s'effaçant. Ainsi tu te tiens devant le chevalet debout vu de dos mais pour toujours ressemblant près des fenêtres où Vermeer reçoit l'oblique annonciation du jour révélée aux parquets luisants aux gobelets à la mappemonde à la perspective quadrillée et au luth qui ajoute au silence le prolongement des sons retenus. Car tout se tait il faut prêter l'oreille longtemps pour saisir quelques mots sans rumeur choisis toujours un peu plus bas que le vain bruit du sens dans la chambre provinciale où les tiroirs ont l'odeur de la noix muscade. Un profil de femme entrevu un dolman posé sur une chaise te somment de nous apprendre que le monde est immobile et que sa fuite est illusoire : tout perdure, les dossiers sont sanglés à mort, le rire étranglé le sanglot jailli se figent parce que l'heure prévue arrive de plus loin que nous c'est le secret. Celui qui sait tout cela et mille autres choses (il s'intéresse aux chasubles aux uniformes aux chassepots de la Commune aux coutumes puissantes aux rites des repas aux grands papiers filigranes) - celui qui ne veut rien laisser à l'oubli - celui qui voit passer sans que les roues résonnent sur l'asphalte la charrette fantôme du chiffonnier entrant tout droit avec sa poussière sous l'arc en ruine des archives du monde, - celui-là doit braver la mort en s'arc-boutant (c'est pourquoi tu t'es si souvent brisé l'épaule) contre la cloison mince qui nous sépare de Tout. L'aujourd'hui sans cesse moribond cette porte qui grince I air du dehors ébranle nos logis fragiles quelque part une bête (tu le disais) boit dans une flaque et une étoile s'attarde, indocile au calcul. Tout devrait être là en effet tout est là mais il faut attendre encore un peu ce qui viendra parfaire l'espace où tout se résout où l'entassement se donne au Vide sauveur où nous irons te rejoindre, Jean Follain. |
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Jean Tardieu (1903 - 1995) |
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Portrait de Jean Tardieu | |||||||||
Biographie / OuvresNé en 1903 à Samt-Gerrnain-de-Joux (Jura), d'un père peintre (Victor Tardieu. 1870-1937) et dune mère musicienne. Étude.a Paris : Ivcée Condorcet. puis Sorbonne. Suit, dès 1923. les > Entretiens d'été » de Pontigny, où ses premiers écrits poétiques sont remarqués par Paul Desjardins, André Gide, Roger Martin du Gard. Premiers poèmes publiés par Jean Paulhan. en 1927. dans La Nouvelle Revue |
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