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Jean-Pierre Claris de Florian



Le calife - Fable


Fable / Poémes d'Jean-Pierre Claris de Florian





Autrefois dans
Bagdad le calife
Almamon



Fit bâtir un palais plus beau, plus magnifique,



Que ne le fut jamais celui de
Salomon.



Cent colonnes d'albâtre en formaient le portique ;



L'or, le jaspe, l'azur, décoraient le parvis ;



Dans les appartements embellis de sculpture,



Sous des lambris de cèdre, on voyait réunis



Et les trésors du luxe et ceux de la nature,



Les fleurs, les diamants, les parfums, la verdure,



Les myrtes odorants, les chefs-d'ouvre de l'art,



Et les fontaines jaillissantes



Roulant leurs ondes bondissantes



À côté des lits de brocard.



Près de ce beau palais, juste devant l'entrée,



Une étroite chaumière, antique et délabrée,



D'un pauvre tisserand était l'humble réduit.



Là, content du petit produit



D'un grand travail, sans dette et sans soucis pénibles,



Le bon vieillard, libre, oublié,



Coulait des jours doux et paisibles,



Point envieux, point envié.



J'ai déjà dit que sa retraite



Masquait le devant du palais.



Le vizir veut d'abord, sans forme de procès,



Qu'on abatte la maisonnette :



Mais le calife veut que d'abord on l'achète.



Il fallut obéir, on va chez l'ouvrier,



On lui porte de l'or.
Non, gardez votre somme,



Répond doucement le pauvre homme ;



Je n'ai besoin de rien avec mon atelier.



Et quant à ma maison, je ne puis m'en défaire :



C'est là que je suis né, c'est là qu'est mort mon père,



Je prétends y mourir aussi.



Le calife, s'il veut, peut me chasser d'ici,



Il peut détruire ma chaumière ;



Mais, s'il le fait, il me verra



Venir, chaque matin, sur la dernière pierre



M'asseoir et pleurer ma misère :



Je connais
Almamon, son cour en gémira.



Cet insolent discours excita la colère



Du vizir, qui voulait punir ce téméraire



Et sur-le-champ raser sa chétive maison.



Mais le calife lui dit : non,



J'ordonne qu'à mes frais elle soit réparée ;



Ma gloire tient à sa durée :



Je veux que nos neveux, en la considérant,



Y trouvent de mon règne un monument auguste ;



En voyant le palais, ils diront, il fut grand ;



En voyant la chaumière, ils diront, il fut juste.



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Jean-Pierre Claris de Florian
(1755 - 1794)
 
  Jean-Pierre Claris de Florian - Portrait  
 
Portrait de Jean-Pierre Claris de Florian

Biographie / Ouvres

Jean-Pierre Claris de Florian est né à Florian près de Sauve, dans les Cévennes, le 6 mars 1755, perd sa mère très jeune, probablement à l'âge de deux ans.
Familier du château de Sceaux et protégé de Voltaire (son oncle). Lauréat de l'Académie, le 6 mars 1788, Florian atteignit le sommet de sa gloire en y entrant , remplaçant le cardinal de Luynes.
Banni de Paris pendant

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