Jean-Pierre Claris de Florian |
On en veut trop aux courtisans ; On va criant partout qu'à l'état inutiles Pour leur seul intérêt ils se montrent habiles : Ce sont discours de médisants. J'ai lu, je ne sais où, qu'autrefois en Syrie Ce fut un courtisan qui sauva sa patrie. Voici comment : dans le pays La peste avait été portée, Et ne devait cesser que quand le dieu Protée Dirait là-dessus son avis. Ce dieu, comme l'on sait, n'est pas facile à vivre : Pour le faire parler il faut longtemps le suivre, Près de son antre l'épier, Le surprendre, et puis le lier, Malgré la figure effrayante Qu'il prend et quitte à volonté. Certain vieux courtisan, par le roi député, Devant le dieu marin tout-à-coup se présente. Celui-ci, surpris, irrité, Se change en noir serpent ; sa gueule empoisonnée Lance et retire un dard messager du trépas, Tandis que, dans sa marche oblique et détournée, Il glisse sur lui-même et d'un pli fait un pas. Le courtisan sourit : je connais cette allure, Dit-il, et mieux que toi je sais mordre et ramper. Il court alors pour l'attraper : Mais le dieu change de figure ; Il devient tour-à-tour loup, singe, lynx, renard. Tu veux me vaincre dans mon art, Disait le courtisan : mais, depuis mon enfance, Plus que ces animaux avide, adroit, rusé, Chacun de ces tours-là pour moi se trouve usé. Changer d'habit, de mours, même de conscience ; Je ne vois rien là que d'aisé. Lors il saisit le dieu, le lie, Arrache son oracle, et retourne vainqueur. Ce trait nous prouve, ami lecteur, Combien un courtisan peut servir la patrie. |
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Jean-Pierre Claris de Florian (1755 - 1794) |
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Portrait de Jean-Pierre Claris de Florian | |||||||||
Biographie / OuvresJean-Pierre Claris de Florian est né à Florian près de Sauve, dans les Cévennes, le 6 mars 1755, perd sa mère très jeune, probablement à l'âge de deux ans. Familier du château de Sceaux et protégé de Voltaire (son oncle). Lauréat de l'Académie, le 6 mars 1788, Florian atteignit le sommet de sa gloire en y entrant , remplaçant le cardinal de Luynes. Banni de Paris pendant |
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