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Jean-Pierre Claris de Florian



Le laboureur de castille - Fable


Fable / Poémes d'Jean-Pierre Claris de Florian





Le plus aimé des rois est toujours le plus fort.



En vain la fortune l'accable ;



En vain mille ennemis ligués avec le sort



Semblent lui présager sa perte inévitable :



L'amour de ses sujets, colonne inébranlable,



Rend inutiles leurs efforts.



Le petit-fils d'un roi grand par son malheur même,



Philippe, sans argent, sans troupes, sans crédit,



Chassé par l'anglais de
Madrid,



Croyait perdu son diadème.



Il fuyait presque seul, accablé de douleur.



Tout-à-coup à ses yeux s'offre un vieux laboureur,



Homme franc, simple et droit, aimant plus que sa vie



Ses enfants et son roi, sa femme et sa patrie,



Parlant peu de vertu, la pratiquant beaucoup,



Riche et pourtant aimé, cité dans les
Castilles



Comme l'exemple des familles.



Son habit, filé par ses filles,



Était ceint d'une peau de loup.



Sous un large chapeau sa tête bien à l'aise



Faisait voir des yeux vifs et des traits basanés,



Et ses moustaches de son nez



Descendaient jusques sur sa fraise.



Douze fils le suivaient, tous grands, beaux, vigoureux.



Un mulet chargé d'or était au milieu d'eux.



Cet homme, dans cet équipage,



Devant le roi s'arrête, et lui dit : où vas-tu ?



Un revers t'a-t-il abattu ?



Vainement l'archiduc a sur toi l'avantage ;



C'est toi qui régneras, car c'est toi qu'on chérit.



Qu'importe qu'on t'ait pris
Madrid ?



Notre amour t'est resté, nos corps sont tes murailles ;



Nous périrons pour toi dans les champs de l'honneur.



Le hasard gagne les batailles ;



Mais il faut des vertus pour gagner notre cour.



Tu l'as, tu régneras.
Notre argent, notre vie,



Tout est à toi, prends tout.
Grâces à quarante ans



De travail et d'économie,



Je peux t'offrir cet or.
Voici mes douze enfants,



Voilà douze soldats ; malgré mes cheveux blancs,



Je ferai le treizième : et, la guerre finie,



Lorsque tes généraux, tes officiers, tes grands,



Viendront te demander, pour prix de leurs services,



Des biens, des honneurs, des rubans,



Nous ne demanderons que repos et justice.



C'est tout ce qu'il nous faut.
Nous autres pauvres gens



Nous fournissons au roi du sang et des richesses ;



Mais, loin de briguer ses largesses,



Moins il donne et plus nous l'aimons.



Quand tu seras heureux, nous fuirons ta présence,



Nous te bénirons en silence :



On t'a vaincu, nous te cherchons.



Il dit, tombe à genoux.
D'une main paternelle



Philippe le relève en poussant des sanglots ;



Il presse dans ses bras ce sujet si fidèle,



Veut parler, et les pleurs interrompent ses mots.



Bientôt, selon la prophétie



Du bon vieillard,
Philippe fut vainqueur,



Et, sur le trône d'Ibérie,



N'oublia point le laboureur.



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Jean-Pierre Claris de Florian
(1755 - 1794)
 
  Jean-Pierre Claris de Florian - Portrait  
 
Portrait de Jean-Pierre Claris de Florian

Biographie / Ouvres

Jean-Pierre Claris de Florian est né à Florian près de Sauve, dans les Cévennes, le 6 mars 1755, perd sa mère très jeune, probablement à l'âge de deux ans.
Familier du château de Sceaux et protégé de Voltaire (son oncle). Lauréat de l'Académie, le 6 mars 1788, Florian atteignit le sommet de sa gloire en y entrant , remplaçant le cardinal de Luynes.
Banni de Paris pendant

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