Jean-Pierre Claris de Florian |
Deux frères jardiniers avoient par héritage Un jardin dont chacun cultivait la moitié ; Liés d'une étroite amitié, Ensemble ils faisaient leur ménage. L'un d'eux, appelé Jean, bel esprit, beau parleur, Se croyait un très grand docteur ; Et Monsieur Jean passait sa vie À lire l'almanach, à regarder le temps Et la girouette et les vents. Bientôt, donnant l'essor à son rare génie, Il voulut découvrir comment d'un pois tout seul Des milliers de pois peuvent sortir si vite ; Pourquoi la graine du tilleul, Qui produit un grand arbre, est pourtant plus petite Que la fève qui meurt à deux pieds du terrain ; Enfin par quel secret mystère Cette fève qu'on sème au hasard sur la terre Sait se retourner dans son sein, Place en bas sa racine et pousse en haut sa tige. Tandis qu'il rêve et qu'il s'afflige De ne point pénétrer ces importants secrets, Il n'arrose point son marais ; Ses épinards et sa laitue Sèchent sur pied ; le vent du nord lui tue Ses figuiers qu'il ne couvre pas. Point de fruits au marché, point d'argent dans la bourse ; Et le pauvre docteur, avec ses almanachs, N'a que son frère pour ressource. Celui-ci, dès le grand matin, Travaillait en chantant quelque joyeux refrain, Bêchait, arrosait tout du pêcher à l'oseille. Sur ce qu'il ignorait sans vouloir discourir, Il semait bonnement pour pouvoir recueillir. Aussi dans son terrain tout venait à merveille ; Il avait des écus, des fruits et du plaisir. Ce fut lui qui nourrit son frère ; Et quand Monsieur Jean tout surpris S'en vint lui demander comment il savait faire : Mon ami, lui dit-il, voici tout le mystère : Je travaille, et tu réfléchis ; Lequel rapporte davantage ? Tu te tourmentes, je jouis ; Qui de nous deux est le plus sage ? |
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Jean-Pierre Claris de Florian (1755 - 1794) |
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Portrait de Jean-Pierre Claris de Florian | |||||||||
Biographie / OuvresJean-Pierre Claris de Florian est né à Florian près de Sauve, dans les Cévennes, le 6 mars 1755, perd sa mère très jeune, probablement à l'âge de deux ans. Familier du château de Sceaux et protégé de Voltaire (son oncle). Lauréat de l'Académie, le 6 mars 1788, Florian atteignit le sommet de sa gloire en y entrant , remplaçant le cardinal de Luynes. Banni de Paris pendant |
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