Jules Supervielle |
Terre lourde que se disputent les cadavres et les arcs-en-ciel, Des statues au nez brisé sous le soleil d'or incassable Et des vivants protestataires levant leurs bras jusqu'aux nues Quand c'est leur tour de s'offrir à tes abattoirs silencieux, - Ah! tu fais payer cher aux aviateurs leurs permissions de vingt-quatre heures, A trois mille mettes de haut tu leur arraches le cour Qui se croyait une fleur dans la forêt du ciel bleu - Serons-nous longtemps pasteurs de ta bergerie de nuages, De tes monts chercheurs de ciel, des fleuves chasseurs de lune, De tes océans boiteux qui font mine d'avancer Mais vont moins vite sur les plages Que des enfants titubant avec de pleins seaux de sable? Aurons-nous encore du tonnerre dans cent quatre-vingt-dix mille ans, La foudre, les quatre vents qui tournent sans rémission, Les hommes nus enchaînés dans leurs générations Et les roses pénitentes à genoux dans leur parfum? Maudite, tu nous avilis à force de nous retenir, Tu nous roules dans la boue, pour nous rendre pareils à elle Tu nous brises, tu nous désosses, tu fais de nous de petits pâtés, Tu alimentes ton feu central de nos rêves les plus tremblants. Prends garde, tu ne seras bientôt qu'une vieillarde de l'espace, Du plus lointain, du ciel on te verra venir faisant des manières Et l'on entendra la troupe des jeunes soleils bien portants : « C'est encore elle, la salée aux trois-quarts, La tête froide et le ventre à l'envers, La tenancière des quatre saisons, L'avare ficelée dans ses longitudes! » Et plus rapides que toi s'égailleront les soleils Abandonnant derrière eux des éclats de rire durables Qui finiront par former des plages bruissantes d'astres. Prends garde, sourde et muette par finasserie, Prends garde à la colère des hommes élastiques, Aux complots retardés de ces fumeurs de pipes, Las de ta pesanteur, de tes objections, |
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Jules Supervielle (1884 - 1960) |
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Portrait de Jules Supervielle | |||||||||
Biographie / OuvresSes parents, français, se sont expatriés en Uruguay pour fonder une banque. De retour en France pour des vacances, l'année même de la naissance de Jules, il meurent tous les deux : il devait y avoir quelque chose dans l'eau du robinet. C'est son oncle et sa tante qui l'élèvent et qui s'occupent de la banque en Uruguay. Ce n'est qu'à l'âge de 9 ans qu'il apprend qu'il est adopté. ChronologieDe 1880 à 1883 : Bernard, oncle du poète, fonde en Uruguay une banque avec sa femme Marie-Anne. Cette entreprise devient rapidement familiale : Bernard demande à son frère Jules, père du poète, de venir le rejoindre en Uruguay. Jules fait du trio un parfait quatuor en épousant sa propre belle-soeur, Marie, soeur de Marie-Anne et mère du poète. |
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