Louise Labé |
L'absence, ny Poubly, ny la course du jour N'ont effacé le nom, les grâces ny l'amour Qu'au cour je m'imprimay dés ma jeunesse tendre, Fait nouveau serviteur de toy, belle Cassandre, Qui me fus autrefois plus chère que mes yeux, Que mon sang, que ma vie, et que seule en tous lieux Pour sujet éternel ma Muse avoit choisie, A fin de te chanter par longue poésie. Car le trait qui sortit de ton regard si beau, Ne fut l'un de ces traits qui deschirent la peau, Mais ce fut un de ceux dont la poincte cruelle Perse cour et poumons, et veines et mouëlle. Ma Cassandre, aussi tost que je me vy blessé, Jeune d'ans et gaillard, depuis je n'ay pensé Qu'à toy, mon cour, mon ame, à qui tu as ravie Absente si long temps la raison et la vie. Et quand le bon destin jamais n'eust fait revoir Tes yeux si beaux aux miens, le temps n'avoit pouvoir D'enlever une esquierre ou d'amoindrir l'image Qu'Amour m'avoit portraite au vif de ton visage; Si bien qu'en souvenir je t'aimois tout ainsi Que dés le premier jour que tu fus mon souci. Et si l'âge, qui rompt et murs et forteresses, En coulant a perdu un peu de noz jeunesses, Cassandre, c'est tout un! car je n'ay pas esgard A ce qui est présent, mais au premier regard, Au trait qui me navra de ta grâce enfantine, Qu'encores tout sanglant je sens en la poitrine. Bien-heureux soit le jour que tes yeux je revy, Qui m'ont et près et loin de moy-mesme ravy ! Et si j'estois un Roy, qui toute chose ordonne, Je mettrois en la place une haute colonne Pour remerque d'amour, où tous ceux qui viendroient, En baisant le pilier, de nous se souviendraient. Je devins un idole aux rayons de ta veuë, Sans parler, sans marcher, tant la raison esmeue Me gela tout l'esprit, loin de moy m'estrangeant, Et vivois de tes yeux seulement en songeant. Tousjours me souvenoit de ceste heure première Où jeune je perdy mes yeux en ta lumière, Et des propos qu'un soir nous eusmes, devisant, Dont le seul souvenir, non autre, m'est plaisant. Ce fut en la saison du Printemps qui est ores ; En la mesme saison je t'ay reveuë encores : Face Amour que l'Avril où je fus amoureux Me face aussi content que l'autre malheureux. |
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Louise Labé (1524 - 1566) |
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Portrait de Louise Labé | |||||||||
Biographie / chronologiePierre Charly, apprenti cordier (peut-être d'origine italienne), né aux alentours de 1470, illettré au point de ne pas savoir signer, épouse Guillermette Decuchermois, sans doute âgée ; celle-ci est veuve depuis 1489 de Jacques Humbert, dit Labé (ou L'Abbé [forme la plus ancienne], l'Abé, Labbé, Labbyt), cordier installé rue de l'Arbre sec. Pierre reprend le surnom de Labé, qui est attaché au fond BibliographieLouise Labé (ou Labbé) est née à Lyon vers l'année 1524. Son père, Pierre Charly, était un cordelier de la ville. Elle tirera son surnom, la belle cordelière, de son père aussi bien que de son futur époux, Ennemont Perrin, qui exercera la même activité. |
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