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Louise Labé



Elegie iii - Élégie


Élégie / Poémes d'Louise Labé





Quand vous lirez, ô
Dames
Lionnoises,
Ces miens escrits pleins d'amoureuses noises.
Quand mes regrets, ennuis, despits et larmes
M'orrez ' chanter en pitoyables carmes,

Ne veuillez pas condamner ma simplesse,
Et jeune erreur de ma foie jeunesse,
Si c'est erreur : mais qui dessous les
Cieus
Se peut vanter de n'estre vicieus?
L'un n'est content de sa sorte de vie,


Et tousjours porte à ses voisins envie :
L'un forcenant de voir la paix en terre,
Par tous moyens tache y mettre la guerre :
L'autre croyant povreté estre vice,
A autre
Dieu qu'or, ne fait sacrifice :


L'autre sa foy parjure il emploira
A décevoir quelcun qui le croira :
L'un en mentant de sa langue lézarde.
Mile brocars sur l'un et l'autre darde :
Je ne suis point sous ces planettes née,


Qui m'ussent pu tant faire infortunée.
Onques ne fut mon oil marri, de voir
Chez mon voisin mieus que chez moy pleuvoir.
Onq ne mis noise ou discord entre amis :
A faire gain jamais ne me soumis.


Mentir, tromper, et abuser autrui,

Tant m'a desplu, que mesdire de lui.
Mais si en moy rien y ha d'imparfait.
Qu'on blâme
Amour: c'est lui seul qui l'a fait.
Sur mon verd aage en ses laqs il me prit,


Lors qu'exerçoi mon corps et mon esprit
En mile et mile euvres ingénieuses.
Qu'en peu de tems me rendit ennuieuses.
Pour bien savoir avec l'esguille peindre
J'eusse entrepris la renommée esteindre


De celle là ', qui plus docte que sage,
Avec
Pallas comparoit son ouvrage.
Qui m'ust vu lors en armes fiere aller.
Porter la lance et bois faire voler.
Le devoir faire en l'estour furieus,


Piquer, volter le cheval glorieus.

Pour
Bradamante, ou la haute
Marphise,
Seur de
Roger, il m'ust, possible, prise.
Mais quoy?
Amour ne put longuement voir,
Mon cour n'aymant que
Mars et le savoir:


Et me voulant donner autre souci.
En souriant, il me disoit ainsi: «Tu penses donq, ô
Lionnoise
Dame,
Pouvoir fuir par ce moyen ma flame :
Mais non feras, j'ai subjugué les
Dieus


Es bas
Enfers, en la
Mer et es
Cieus.
Et penses tu que n'aye tel pouvoir
Sur les humeins, de leur faire savoir
Qu'il n'y ha rien qui de ma main eschape?
Plus fort se pense et plus tôt je le frape.


De me blâmer quelquefois tu n'as honte.
En te fiant en
Mars, dont tu fais conte :
Mais meintenant, voy si pour persister
En le suivant me pourras résister. »
Ainsi parloit. et tout eschaufé d'ire

Hors de sa trousse une sagette il tire,

Et décochant de son extrême force.

Droit la tira contre ma tendre escorce,

Foible harnois, pour bien couvrir le cour.

Contre l'Archer qui tousjours est vainqueur.
La bresche faite, entre
Amour en la place,

Dont le repos premièrement il chasse :

Et de travail qui me donne sans cesse.

Boire, manger, et dormir ne me laisse.

Il ne me chaut de soleil ne d'ombrage:
Je n'ay qu'Amour et feu en mon courage,

Qui me desguise, et fait autre paroitre,

Tant que ne peu moymesme me connoitre.

Je n'avois vu encore seize
Hivers,

Lors que j'entray en ces ennuis divers:
Et jà voici le treizième
Esté

Que mon cour fut par
Amour arresté.

Le tems met fin aus hautes
Pyramides,

Le tems met fin aus fonteines humides :

Il ne pardonne aus braves
Colisees,
II met à fin les viles plus prisées :

Finir aussi il ha acoutumé

Le feu d'Amour tant soit il allumé :

Mais, las! en moy il semble qu'il augmente

Avec le tems, et que plus me tourmente.
Paris ayma
OEnone ardamment.

Mais son amour ne dura longuement ' :

Medee fut aymee de
Jason,

Qui tôt après la mit hors sa maison.

Si meritoient elles estre estimées,
Et pour aymer leurs
Amis, estre aymees.

S'estant aymé on peut
Amour laisser

N'est il raison, ne l'estant, se lasser?

N'est il raison te prier de permettre.

Amour, que puisse à mes tourmens fin mettre?



Ne permets point que de
Mort face espreuve,
Et plus que toy pitoyable la treuve :
Mais si tu veus que j'ayme jusqu'au bout,
Fay que celui que j'estime mon tout,
Qui seul me peut faire plorer et rire,

Et pour lequel si souvent je soupire.
Sente en ses os, en son sang, en son ame,
Ou plus ardente, ou bien égale flame.
Alors ton faix plus aisé me sera.
Quand avec moy quelcun le portera.

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Louise Labé
(1524 - 1566)
 
  Louise Labé - Portrait  
 
Portrait de Louise Labé

Biographie / chronologie

Pierre Charly, apprenti cordier (peut-être d'origine italienne), né aux alentours de 1470, illettré au point de ne pas savoir signer, épouse Guillermette Decuchermois, sans doute âgée ; celle-ci est veuve depuis 1489 de Jacques Humbert, dit Labé (ou L'Abbé [forme la plus ancienne], l'Abé, Labbé, Labbyt), cordier installé rue de l'Arbre sec. Pierre reprend le surnom de Labé, qui est attaché au fond

Bibliographie

Louise Labé (ou Labbé) est née à Lyon vers l'année 1524. Son père, Pierre Charly, était un cordelier de la ville. Elle tirera son surnom, la belle cordelière, de son père aussi bien que de son futur époux, Ennemont Perrin, qui exercera la même activité.

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